Incoming...
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
-29%
Le deal à ne pas rater :
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 – 16 Go / 512Go (CDAV : ...
499.99 € 699.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 Course Poursuite

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
AuteurMessage
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyJeu 9 Jan - 22:06

En pleine ville. J’étais en pleine ville. Surfant sur l’énorme vague. J’étais au parc. Ce même parc où j’aimais me rendre avant que mes dons n’explosent littéralement au moment où j’en avais pris conscience. Comme un retour aux sources. A partir de maintenant j’entamais la remontée, je battais mes peurs puisque j’étais revenue là où tout avait commencé, là où je m’étais retrouvée terrassée par la peur que mon frère ressentait pour sa propre sœur parce qu’elle était une mutante.

Là où j’avais rencontré Elena aussi.

Les passants, les enfants qui courraient près de moi devaient se demander ce que je faisais là debout, au milieu de l’herbe alors que le soleil était haut, j’avais les yeux rivés sur les nuages dans le ciel, les bras écartés. J’étais venue jusqu’ici en retenant mon souffle en apnée, noyée, dans les rues, emportée dans le bus, submergée par les souvenirs. Mais je ne voulais plus avoir peur, j’avais voulu plonger dans le grand bain. Tant que j’avais pu me déplacer j’avais supporté la dissolution de mon identité. J’avais cru mourir une fois immobile, le souffle fort, les yeux sur le ciel.

Et puis soudain, j’émergeais à la surface, comme si par dessus le vacarme se dégageait une vibration commune, comme un oiseau par dessus la tempête. Par dessus je pouvais respirer et survivre. C’était toujours pareil. Je ne devais pas lutter contre les émotions qui affluaient en moi, je ne devais pas me battre, je devais me laisser traverser. Alors seulement je trouvais la paix et ce que moi-même je ressentais parmi cette gigantesque  masse. Il fallait juste faire un effort colossal pour se détendre enfin, cesser de défendre mes frontières et alors seulement elles se redessinaient naturellement, presque comme par magie.

J’y parvenais rarement. C’est seulement la seconde fois. Souvent c’était dans la panique, d’où l’idée de tenter le diable et de venir ici en pleine heure d’affluence. Je n’aurais surement pas du venir seule mais j’en avais besoin. C’était ce que ma conversation avec Grégory m’avait appris. C’était mon problème et pas celui des autres. Mon problème pour l’instant sous mon contrôle, précisément parce que je m’étais jetée dans la gueule du loup.

Je m’allongeais sur l’herbe, observant émerveillé le flux des émotions en moi, les oscillations rapides des humeurs des enfants, le grondement des dépressions adultes, les quelques sursauts de ceux en proie aux deuils impossibles, à la tristesse incommensurable, à la colère dévorante, à la joie inouïe, à la brûlure de l’espoir qui menace d’être déçu ou de se concrétiser. Toutes ces nuances, ces infinies couleurs, tellement plus que ce qu’on peut percevoir avec les yeux… J’appréciais presque. Je m’imprégnais de la sensation dans l’espoir de la retrouver une fois prise dans la tourmente à nouveau.

Je me redressais brusquement. Je me sentais comme si j’avais été mordue. De la peur. Une peur vitale, une peur pour l’intégrité de son corps, une menace réelle. Je surnageais toujours, mais j’avais le cœur battant. Il ne fallait pas tomber, surtout pas. Je me forçais à respirer à fond et regardait autour de moi.
Juste après, la vibration du plaisir sadique et par dessous une nébuleuse glacée.

Elle passa sur le chemin en contrebas de la pente douce en courant à perde haleine. Comment les gens ne voyaient-ils pas ses yeux vibrants de panique ? Je ne voyais que ça.

Un instant le sol se déroba sous moi et j’étais envahie par la sensation, la terreur, j’allais mourir, la maintenant, tout de suite. Je cessais de me battre à nouveau et juste quand je sentais que c’était fini pour moi, je repris le dessus.

Il fallait faire quelque chose, n’importe quoi. Une peur comme celle là ne pouvait être que justifiée. C’était la volonté de détruire qui animait le poursuivant. Peu importait que ça soit par les mots ou avec des coups pour moi ça ne changeait rien, c’était tout aussi terrible.

Je jaillis sur le chemin, les larmes aux yeux, en proie à un étonnant sentiment d’injustice et de désespoir mêlé qui m’appartenait en propre par dessus les leurs. Je me plaçais bien en face, les bras écartés, entre elle et lui pour protéger sa course.

⎯ Arrête ! Arrête ! arrête ! hurlais-je d’une voix de démente.

Tout le parc fit silence et je restais hébétée par ma propre attitude.
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyDim 12 Jan - 19:18

Je ne savais plus trop comment ça avait commencé.

Sébastian la gardait mauvaise depuis que j'avais porté plainte contre lui, même si depuis, il ne s'était pas passé grand chose. Mais il semblait se tenir à distance, se contentant de me jeter des regards haineux – plus virulents qu'avant, c'est vrai – mais au moins il ne m'approchait plus. Ma semaine au lycée s'était étonnamment bien passée, et ma toute récente amitié avec Luke n'y était sans doute pas pour rien. En ce samedi, j'avais décidé d'aller dans le centre-ville, faire quelques courses.

J'avais commencé par la librairie, sans nul doute ma boutique favorite. C'est là que je l'avais aperçu, la première fois. Sébastian m'attendait au rayon manga, nonchalamment appuyé contre les rayonnages aux couvertures colorées, comme s'il m'attendait, comme s'il savait que j'allais venir. J'ai été tellement surprise que je me suis figée, en plein milieu du passage, m'attirant les foudres d'une vieille dame qui voulait traverser le couloir. Je me suis écartée et sans que j'en prenne vraiment conscience, mes jambes m'ont éloignée de la section japonaise. Je sentais derrière moi le sourire narquois de Sébastian.

Après avoir erré un instant dans la librairie, le cœur battant et regardant sans cesse par dessus mon épaule, je suis passée à la caisse. Le garçon n'était plus en vue. Était-il parti ? Cela ne lui ressemblait pas de me voir sans au moins me glisser une remarque mielleuse à l'oreille. Alors que je serrais mes achats contre moi, je sortis de la librairie et je me demandai soudain si je n'avais pas imaginé sa présence. Étais-je devenu paranoïaque à ce point ?

Secouant la tête, j'avais repris ma route, ne pouvant m'empêcher de regarder derrière moi de temps à autres. A quelques reprises, je crus apercevoir la silhouette de Sébastian au loin, mais je n'étais pas sûre de moi. J'arrivais finalement à la bijouterie. J'entrai et montrai au vendeur le bijou que ma mère voulait faire réparer. J'étais encore en train de discuter avec lui lorsque la sonnette d'entrée tinta. Quelques secondes plus tard, Sébastian se postait à mes côtés.

- Dis donc, c'est un joli collier que tu as là, Jenny ! S'exclama-t-il. J'espère que vous pourrez lui réparer, ajouta-t-il à l'intention du vendeur.
- Oh, oui, oui, ça ne posera pas de problème, assura ce dernier, concentré sur le bijou.

J'étais glacée de terreur. Bien plus que lorsque le footballeur me crachait sa haine au visage, bien plus que lorsque qu'il m'avait frappée. Il me suivait. Comme mon ombre. Il était toujours là. À proximité. Et ça me terrorisait bien plus qu'un coup de poing dans le visage. D'une voix blanche, je donnais le numéro de téléphone de la maison au bijoutier pour qu'il puisse nous prévenir lorsque la réparation serait terminée. Je ressortis de la boutique, entendant à peine l'homme dire que ce serait prêt d'ici une semaine.

Sébastian était toujours sur mes talons. Le ventre noué, j'accélérai le pas. Quand je me retournai, je le voyais, quelques mètres plus loin, marchant avec nonchalance, un sourire amusé aux lèvres. Le cœur battant à tout rompre, je me réfugiai dans le parc, espérant y trouver suffisamment de monde pour y gagner un semblant de sécurité. Il était toujours là, ne me lâchant pas d'une semelle. Je réalisai qu'être dans le parc ne m'aiderait pas. Qu'est-ce que je pouvais faire ? Aller voir le premier venu pour me plaindre d'être suivie par un camarade de classe ? Je passerais pour une folle !

La peur grandissait, comme un serpent glacée qui enfoncerait ses crochets dans mes entrailles. Je marchais de plus en plus vite, avec l'impression d'étouffer. Je ne voyais le bout du parc. J'avais l'impression que les arbres se rapprochait de moi pour me barrer la route, pour me piéger et me laisser à la merci de Sébastian. Sans vraiment m'en rendre compte, je me mis à courir et la panique me gagna. J'avais vaguement conscience de me monter la tête toute seule, mais la peur balayait toutes mes facultés de raisonnement. Une seule idée tournait en boucle dans mon esprit. Courir. Courir vite. Courir loin. Loin de Sébastian.

Je commençai à avoir un poing de côté lorsque j'aperçus du coin de l'oeil une silhouette se diriger vers moi. Mais j'y prêtais à peine attention. Les gens ne m'aideraient pas, je le savais. Ils préféreraient croire que notre course était un jeu, même si, de ce fait, ils s'aveuglaient eux-même. C'est pourquoi la surprise stoppa ma course lorsque j'entendis, derrière moi :

- Arrête ! Arrête ! Arrête !

Je me retournai, stupéfaite, pour découvrir une jeune fille – à peu près mon âge – qui se dressait entre moi et Sébastian, bras écartés. Le garçon s'était immobilisé, lui aussi. Le temps sembla soudain suspendu, personne ne bougeait, personne ne parlait. La situation était tellement inattendue,  qu'elle en semblait absurde, burlesque, presque. D'ailleurs, Sébastian se mit à rire. Un rire bas, rauque, menaçant, et il commença à s'avancer, doucement, pas à pas, vers la fille qui s'était interposée, avec dans les yeux cette lueur mauvaise que je connaissais bien.

J'eus l'impression de recevoir un coup de poing dans le ventre. Cette fille, je ne la connaissais absolument pas, c'était la première fois que je la voyais. Elle ne me devait rien, n'avait aucune obligation envers moi et pourtant elle était intervenue pour m'aider, même si elle crevait de trouille, je pouvais le deviner à ses doigts tremblants. Et parce qu'elle venait de s'interposer, Sébastian allait s'en prendre à elle. Je... Même si je crevais d'envie de m'enfuir en courant, je ne pouvais pas la laisser seule face au quaterback de l'école.

Je devais la rejoindre, l'aider, faire front avec elle ! Mais mes pieds semblaient cloués au sol. Au bout d'un terrible effort, je parvins à faire un pas en avant. J'avais l'impression de m'être arrachée la jambe tellement j'avais peur, mais c'était le premier pas qui fut le plus difficile. Mes jambes se mirent en mouvement toutes seules suite à ça et je me retrouvais au côté de la jeune fille, et même légèrement en avant. Après tout, Sébastian était mon adversaire.

Une lueur de surprise traversa les yeux du garçon, mais il reprit vite contenance.

- Qu'est-ce qui te prends, Jenny ?

Il accentua sur le dernier moi et ma gorge se noua. Ce surnom... Il m'avait été donné par ma mère quand j'étais petite, il était alors synonyme de chaleur et d'amour. Mais maintenant, seul Sébastian l'utilisait et ça me faisait mal. Parce que les sentiments positifs reliés à ce surnom étaient remplacés par une terreur glacée. Je me mis à trembler. Le garçon, arrivée à ma hauteur, sourit.

- Hum, tu fais moins la maligne, sans tes copains monstres de foire pour te protéger. Même ce minable qui fait parti de l'équipe n'est pas là. Qu'est-ce que tu espères ?

Il jeta un coup d'oeil à la fille qui s'était interposée.

- Ta copine pèse à peine plus lourd que toi.

Dans ma tête, défilèrent les visages de ceux qui s'était interposés pour me protéger. Billy. Mcknight. Luke... Et aujourd'hui, cette fille inconnue. Fallait-il que l'on vole toujours à mon secours ? N'étais-je donc pas capable, pour une fois, de me défendre seule ? Je me rappelai ma promesse de ne plus me laisser faire. Une promesse bien dure à tenir, mais j'avais bien l'intention de le faire. Je redressais le menton, cessai de trembler et regardai Sébastian dans les yeux. « Je ne me laisserais pas faire. Je ne me laisserais pas faire ». Les mots tournaient dans ma tête, comme un mantra. J'en tirais force et courage.

Mais avant que j'ai pu ouvrir la bouche, il leva la main et, avec une douceur étonnante, il fit glisser son pouce sur ma lèvre, là où j'avais encore ma cicatrice.

Lorsqu'il m'avait agressée, j'avais récolté un œil au beurre noir, une lèvres fendue et quelques autres bleus au ventre. Si la plupart des ecchymoses s'étaient résorbées et que mon coquard avait disparu, la marque sur ma lèvre persistait. J'avais pris la mauvaise habitude de mordiller la croûte, la faisant sauter avant qu'elle ne soit vraiment cicatrisée. Un peu de sang coulait, une nouvelle croûte se formait, que je mordillai encore, dans un cercle vicieux qui empêchait la blessure de totalement cicatriser.

C'est cette marque que Sébastian touchait, caressait, dans un geste doux et précautionneux. Pourtant, son regard vibrait de haine. Ce geste, en apparence gentil, fit voler en éclat toute l'assurance que j'avais réussi à rassembler. Je recommençai à trembler, gorge nouée, incapable de parler ou de bouger.

- Tu n'es rien, Jenny, dit-il d'une voix froide qui balaya le peu de sang-froid que j'avais encore.

Bon sang, il était devenu foutrement bon à ce jeu-là.





HJ : Pfiou, j'ai fait un roman !
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyMar 14 Jan - 18:00

Le silence était complet et il se tenait face à moi. Il y eut un instant de totale absurdité où le vent souffla dans ma robe, la gonflant en une corole silencieuse. Derrière moi, la surprise grandissait. Devant moi il se tenait plus droit encore, son esprit se faisait une lance pointée vers nous et je ne savais plus si la peur m’appartenait où si c’était celle de la jeune fille qu’il poursuivait. L’intensité menaçait de me dissoudre.

Mais il se mit à rire et je fus tirée à lui à nouveau. Je n’avais jamais senti de volonté de nuire et de détruire aussi mordante mais aussi étrange que cela puisse paraître, la panique me forçait à plonger derrière. Le monde se dissolvait devant moi alors que ce son rauque et grave raisonnant dans mes oreilles. Son rire…Je me sentais glacée comme prise sous une banquise, sous la surface d’un lac en plein hiver. Non c’était comme lui se sentait. Il était au dessus de la banquise loin. Mais très au fond, il était pris dans la glace, il avait froid très froid. C’était indescriptible, j’étais noyée. Immobilisée par le gel.

De l’autre côté la surprise me brûlait tout à coup. Je parvins à tourner la tête par je ne sus quel miracle. Elle était là tout près. Avec moi. J’aurais voulu lui faire comprendre à quel point j’étais contente qu’elle n’ait pas fuit en courant, qu’à nous deux on pouvait briser toute cette glace, faire émerger la chaleur, mais je pouvais pas parler et de toute façon elle n’aurait pas compris un traite mot des phrases qui me traversaient la tête. J’étais noyée dans une autre réalité, dès lors, je pouvais difficilement communiquer avec l’extérieur.

Mais peu importait. Une fêlure, une craquelure et l’espoir gonfla dans mon cœur comme un ballon.

⎯ Qu’est ce qui te prend Jenny ?

Mais il s’évanouit bien vite. Plus que le bourreau c’était la victime qui m’assassinait sans le savoir. Mais que ce passait-il pour déclencher un tsunami si contradictoire ? D’un côté la chaleur, la bonté, la douceur de la prime enfance, la réassurance que moi je n’avais jamais connue, celle qu’on trouvait dans les bras d’une mère aimante et de l’autre, cette terreur, cette clameur viscérale pour la survie. Le mélange me donnait la nausée c’était insoutenable.

Ne pas résister, ne pas résister, se laisser envahir complètement. Je respirais à fond, j’avais presque perdu l’équilibre, j’étais presque tombée évanouie mais j’étais toujours là. Prêtre à en découdre, je ne savais pas comment. C’était comme traverser une tempête de sable en se retenant de fermer les yeux. Il fallait supporter la morsure pour assurer mes frontières. Elle aussi tenait bon, même en tremblant, elle s’était mise devant moi, lui tenant tête à nouveau, mais sans rien dire.

⎯ Hum, tu fais moins la maligne, sans tes copains monstres de foire pour te protéger. Même ce minable qui fait parti de l'équipe n'est pas là. Qu'est-ce que tu espères ?


“Monstres de foire” les mots qui font mal. Dans son esprit et dans le mien, la même blessure exactement au même moment. Je comprenais d’où venait ce froid maintenant. Je comprenais tout. Faire peur, blesser, c’était un moyen de couvrir la brûlure de quelque chose d’autre. Un instant mon esprit fut happée et se glaça comme le sien. Mais cette fois la sensation était agréable. Je voulais moi aussi, tout maîtriser, tout contrôler, ne plus rien ressentir, comme lui, sinon la force de mon immense pouvoir à créer peur et confusion dans l’esprit d’autrui. Mais non, il ne fallait pas céder à la tentation, ce n’était pas ce que j’étais.

⎯ Ta copine pèse à peine plus lourd que toi… reprit-il avec un rictus et cela acheva de faire fondre la glace dans mon esprit, non vraiment, je n’étais pas faite pour agir comme lui.

⎯Je suis aussi un monstre de foire figures toi, criais-je tout à coup, les larmes débordant de mes yeux.

Mais il m’ignora superbement et la rage monta en moi encore un peu. J’allais poursuivre, commencer à faire quelque chose, je ne savais pas quoi, suivant mon instinct, mais il s’était avancé vers elle et très doucement, il effleura ses lèvres avec son pouce.

A nouveau je plongeais. Elle était blanche, son esprit était blanc, complètement blanc. Ce qu’elle revivait c’était comme le traumatisme de guerre de McKnight, comme l’agression de Gégory. Un espace vide dans l’esprit, une ouverture laissé par un évènement qu’on n’avait pas pu se représenter, trop intense pour qu’on puisse en faire le tour. La marque sur sa lèvre, la marque. J’avais soudain la certitude folle que c’était lui qui l’avait laissée là, mais dans la blancheur ne je pouvais pas penser, ne pas résister, ne pas résister… Sa main sur cette marque, sa main dans la blancheur totale de la panique la plus complète. Comment je n’étais pas morte foudroyée par les battements de mon cœur encore ? Et juste au beau milieu de ce chaos total où ils nous avaient plongées, il déposa nonchalamment cette simple phrase.

⎯ Tu n’es rien Jenny.

Il ne fallait pas résister. Absorber une tempête par une seule narine, boire la mer à la petite cuillère, cul sec, pour rester consciente. Je hurlais, courbée en deux mains sur les tempes d’abord un cri sans aucun sens trépignant sous la douleur. Je me fichais de quoi j’avais l’air. Je n’étais pas en état de me représenter que des gens se trouvaient là dehors près de moi en chair et en os et qu’ils ne savaient rien de tout ce qui se déroulait en eux et entre eux.

⎯ Arrête ! arrête ! C’est monstrueux ce que tu fais alors arrête ça tout de suite !

C’était ma voix qui avait dit ça ? Surprenant. Et encore plus étonnant, c’était ma main qui venait de retirer la sienne du visage de Jenny, qui serrait son bras jusqu’à ce que mes jointures soient blanches. Alors je plantais mes yeux dans les siens, espérant qu’il pourrait y avoir tout ce qui venait de me traverser.


/T'inquiète les romans c'est cool. Désolée pour le pétage de plomb...Dis si quoique ce soit ne te vas pas./
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyJeu 16 Jan - 20:45

Tenir ma promesse de ne plus me laisser faire était plus ardu que je ne l'aurais cru, en particulier depuis que Sébastian s'essayait à de nouvelles techniques de harcèlement moral et psychologique. C'est qu'il était devenu foutrement bon à ce jeu-là. Mais je ne devais pas me laisser faire, je me l'étais promis. Je ne voulais plus dépendre des autres, Billy, McKnight, Luke, et maintenant cette inconnue...

- Je suis aussi un monstre de foire, figures-toi !

C'est la fille qui venait de parler. Ainsi, elle était également une... mutante ? Je lui jetai un coup d'oeil pour découvrir un visage couvert de larmes, accordé à sa voix tremblante, presque désespérée. J'eus l'impression de recevoir un électrochoc. Elle était comme moi, terrifiée, seule, victime... Et bizarrement, cela me donna encore plus envie de lutter, de rabattre son claquet à Sébastian. J'allais parler lorsqu'il tendit la main et effleura du pouce la cicatrice qui marquait ma lèvre supérieure, me faisant replonger dans un océan de terreur.

- Tu n'es rien, Jenny.

J'allais mourir. Là. Maintenant. Tout de suite. J'allais tout simplement cesser d'exister. Un cri me tira du néant. Un cri de douleur. La fille blonde était pliée en deux, mains sur les tempes. Elle semblait endurer la pire des souffrances, subir la torture, être à l'agonie. Ma peur changea. La terreur froide inspirée par Sébastian devint une peur diffuse pour elle, pour ce qu'elle subissait bien que je ne comprenne pas les causes de son mal.

- Arrête ! Arrête ! C'est monstrueux ce que tu fais alors arrête ça tout de suite !

Dans une sorte d'état second, l'inconnue se redressa, agrippa la main de Sébastian – figé de stupeur depuis qu'elle s'était mise à hurler – et l'éloigna violemment de moi. Elle plongea son regard dans le sien, et ils passèrent quelques secondes à se fixer de la sorte. Moi, j'assistai, éberluée, à ce spectacle surréaliste. Autour de nous, les gens feignaient de ne pas nous voir, mais nous espionnaient discrètement, avide de cette étrange scène que nous donnions.

La fille blonde me tournait le dos, et je ne pouvais pas voir son visage. En revanche, je percevais parfaitement celui de Sébastian, sans toutefois parvenir à le déchiffrer. J'avais vaguement conscience qu'il se passait quelque chose entre eux, qu'ils communiquaient sans avoir recours aux mots, que leur regard partagé était profond, bien plus que ne l'aurait été une conversation.

Puis, brusquement, le garçon se dégagea.

- Lâches-moi, sale mutante !

Son visage se ferma et ses yeux se teintèrent de haine et de violence contenue. Le même regard que lorsqu'il m'avait agressé à la sortie du lycée.

- Ne t'approches pas de moi, gronda-t-il, menaçant. Et ne t'avises pas de trafiquer dans ma tête.

Son pouvoir aurait donc un lien avec l'esprit ?

- Ou je te tue... ajouta-t-il à voix basse, murmure à peine perceptible mais porteur d'une menace bien réelle.

Il en était capable, réalisai-je, non sans une certaine surprise. Là, maintenant, dans l'état où il était actuellement, il en était capable. D'aller à une telle extrémité.

Je ne sais pas pourquoi, mais cette scène fit souffler un vent de révolte en moi. Comme s'il m'avait fallu attendre de voir Sébastian s'en prendre à une autre que moi pour réaliser à quel point son comportement était injuste et cruel. Ma petite personne n'était pas une victime suffisante pour me donner une raison de me rebeller. Le voir s'en prendre à une inconnue, exactement comme il s'en prenait à moi, me fit brutalement prendre conscience de l'horreur de ses actes, de sa cruauté.

Ma promesse de ne pas me laisser faire sembla soudain prendre une nouvelle dimension.

Je devais me défendre, oui, mais pas seulement pour moi-même. Pour faire comprendre à Sébastian qu'il ne pouvait agir de la sorte, afin qu'il ne puisse plus faire de mal, ni à moi, ni aux autres. Je n'étais pas la seule à dépendre de la réalisation de cette promesse. En un sens c'était la cause mutante qui était directement en jeu. Je ne devais pas me battre que pour moi-même. Je devais me battre pour les mutants, tous les mutants. Car je n'étais pas seule. Nous formions un groupe. Billy. McKnight. Cette fille. Moi, Jeyne. Nous nous entraidions. C'est ce qu'ils avaient fait pour moi. Et c'est ce que je devais faire pour eux. Ça devait marcher dans les deux sens.

- Arrête ça, Séb.

Ma voix était calme, mais parfaitement assurée. Depuis que j'avais publiquement révélé ma position de mutante, je n'avais jamais été aussi sûre de moi face à lui qu'aujourd'hui. J'avais cessé de trembler, l'étau qui compressait ma poitrine s'était distendu, mon cœur battait normalement. J'étais incompréhensiblement calme. Mon regard affronta le sien. Je ne cillai pas.

J'ignorais pourquoi, après tant d'années, j'utilisai à nouveau son diminutif, comme quand nous étions deux gamins, deux voisins qui tuaient le temps ensemble pendant les vacances d'été. A vrai dire je ne cherchais même pas à comprendre, c'était le cadet de mes soucis.

- Mais qu'est-ce que... commença-t-il.
- Vas t'en.

Il resta muet, comme s'il ne savait pas quoi répondre.

Il m'était déjà arrivée de lui résister. Mais c'était faiblement, sans vraiment d'ardeur. La plupart du temps, ne pas baisser les yeux face à lui était une épreuve. Le seule fois où j'avais fait plus, c'est lorsque je lui avais rabattu son claquet devant la classe et McKnight, lors du cours de Deno. Et ça m'avait valu un passage à tabac. C'était la première fois que j'agissais ainsi face à lui, droite, assurée, et sans la moindre trace de peur. C'était ça qui changeait. Je n'avais plus peur. Et il en avait conscience.

- Casses-toi, Séb, insistai-je.

Ma voix restait neutre, polie, mais ne laissait place à aucune discussion.

- Me donne pas d'ordres, grinça-t-il.

Pour la première fois, sa voix n'était pas mielleuse, ni hypocrite. Elle était sèche, rauque. Il ne me considérait plus comme une victime, mais comme un adversaire. Et cela me remplit d'une étrange satisfaction. Il ne me voyait plus comme une pauvre fille trop faible pour élever la voix contre lui, et cela me rendait satisfaite. Mais ce sentiment, aussi tentateur soit-il, me laissait comme un goût amer au fond de la gorge. Je ne pris cependant pas le temps de m'appesantir sur le sujet.









// Je savais pas trop comment finir. Je ne veux pas non plus faire partir Sébastian trop vite...
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyVen 17 Jan - 19:08

Lui ne voyait peut-être rien mais ma peau était en contact avec la sienne, alors le monde vacilla de nouveau. Le décors disparu d’abord dans la froideur de la surface. Les pics acérés de la banquise, braqués vers moi comme des armes tranchantes. Mais le fond m’attirait inexorablement à présent que nos corps étaient en contact de la sorte alors j’essayais de fixer ses yeux, de ne pas ciller, de ne pas vomir pendant la descente, de rester face à lui pour éviter qu’il ne m’évince, et qu’il aille vers du mal à la jeune fille dont la terreur me brûlait toujours quelque part.

C’était comme si son esprit me réclamait là bas, au fond pourtant. Sous la banquise il faisait sombre et il y avait là quelque chose de sale qu’il ne voulait pas voir. Quelque chose de repoussant, d’ignoble, de dégoûtant, de contre nature de… monstrueux. Quelque chose mutant. Quelque chose de pas normal qui n’aurait pas du se trouver là. Comme une erreur qu’on ne pouvait pas effacer.

Au dehors tout était brillant, lumineux, blanc, immaculé parfait. Au dedans tout était puant, crasseux, tâché.

Alors comme j’avais de la peine pour lui, sincèrement, je me mis à lui sourire. Je savais que ce genre de sentiment n’avaient pas toujours de justification réelle, mais ça n’importait pas quand on était si profond, les faits disparaissaient. Et cette erreur il voulait la mettre en nous, nous faire sentir que nous en étions porteuse nous les mutantes. Il voulait surtout se le faire croire à lui. Comme si abîmer l’autre pouvait rendre meilleur.

J’aurais voulu lui faire sentir que cette chose n’avait pas lieu d’être. Moi qui comprenais les raisons de tous, les sentiments qui poussaient aux actes les plus monstrueux, je savais qu’une telle puanteur était vaine. J’aurais voulu lui dire que tout en lui était beau. Parce que pour sentir mauvais, cela ne pouvait être qu’une blessure en putréfaction. Mais encore une fois, je ne pouvais parler  de choses là. Personne ne pouvait comprendre sans percevoir ce que je percevais.

Souriant toujours je battis des paupières pour tenter de restaurer le monde autour de moi. Sans résister j’avais été bien, mais à présent que je devais reculer derrière la banquise, son froid et la peur de la fille m’assaillaient en même temps.

Un instant je crus voir sur son visage qu’il avait compris que je ne lui voulait pas de mal. Mais la seconde suivante son visage se ferma.

-Lâche moi sale mutante ! cria-t-il en se dégageant.

Son visage se fit plus glacial que jamais, mais à travers la peur bien à moi qui me rongeait le sang, je parviens à dire.

-Ce n’est pas moi qui me sens sale.

Mais ce fut comme s’il n’avait rien entendu du tout. Mes mots ne perçaient pas la banquise pour aller tout au fond. Quelque chose le pouvait-il encore. C’était tellement triste au fond.

-Ne t’approche pas de moi ! Et ne t’avise pas de trafiquer dans ma tête ! se défendit-il encore.

J’étais désolée d’apprendre que mon geste avait été vécu comme une attaque. J’avais juste voulu mettre fin à la tourmente dans laquelle il avait plongé sa victime. J’étais presque blessée au fond. Trafiquer dans sa tête j’aurais bien voulu, mais je n’avais toujours aucune idée de comment m’y prendre. En vérité j’aurais voulu faire quelque chose pour l’aider parce que c’était ce qu’il réclamait en nous persécutant. Il voulait qu’on lui dise que nous n’étions pas des monstres, il voulait que nous lui faisions face pour qu’il puisse se faire face à lui-même. Mais ce n’était pas chose aisée. Après tout j’avais peur moi aussi. J’avais peur du froid.

- Ou je te tue..., ajouta-t-il alors qu’un vent glacé soufflait au dessus de son esprit.

Tuer... Mourir… J’étais désespérée et glacée à nouveau. Tuer, cela serait tout aussi terrible pour lui que  pour nous. Parce qu’il n’était pas fait de glace, pas vraiment, cela achèverait juste de faire disparaître ce qu’il y avait de vivant en lui. Il n’était pas fait pour cela. J’allais sombrer dans la peur et sombrer tout court parce que c’était trop intense mais derrière moi la lumière montait et me tirait vers le haut. Je ne pouvais peut-être pas lui faire face, mais elle avait trouvé je ne savais où la force de le faire pour moi. Elle faisait face vraiment. Sans faire un mur entre lui et elle, sans faire violence, sans vouloir se battre ou se venger. Elle affrontait la peur comme peu de gens savent. Sans se défendre, sans se voiler la face, sans chercher à faire taire la souffrance de ce que cela coûtait. Elle faisait face avec les idées dans sa tête, la révolte juste dans son cœur, et le soutien de l’amour d’autrui.

Et je restais bouche bée admirativement devant la vigueur et le calme absolu.

-Arrête ça Séb, déclara-t-elle simplement mais j’eus l’impression que le parc entier avant fait silence à cet instant précis.

Dans un fracas assourdissant la banquise se brisa en lui comme en moi  et à nouveau les mains sur les tempes, je courbais l’échine, en silence cette fois, parce que c’était un mal nécessaire. Entre les fêlures douloureuses la noirceur puante remontait, suintant de toutes part.

-Mais qu’est ce que… bredouilla-t-il sous le choc.

J’observais la scène avec un profond sentiment de force tout à coup. Je me taisais et là laissait faire. C’était son moment, son heure de gloire, le jour où débutait le reste de sa vie loin de la terreur qu’il lui avait inspirée.

-Vas t’en, dit-elle encore toujours aussi calme.

Il resta silencieux, alors que montait la marrée noir dans son esprit, j’avais la nausée moi aussi, je me sentais sale moi aussi. Mais je n’avais d’autre choix que je regarder sans rien dire. Après tout, j’étais fort mal placée pour éponger sa souffrance. Il devait sans doute y avoir quelqu’un, quelque part qui le pouvait.

-Casse toi, Séb ajouta-t-elle encore.

Pour moi ces mots étaient à prendre au sens propre, mais il faisait face à la remontée nauséabonde sans bouger. En réalité c’était la même chose pour eux que pour moi, pour maîtriser enfin les émotions il fallait se laisser envahir par elles. Mais pour lui il n’était pas encore question d’imaginer leur existence. Je sentais venir une nouvelle aire glacière, un nouveau vent froid se préparait à souffler, alors j’allais me réchauffer en esprit plus près d’elle.

-Ne me donne pas d’ordre, parvint-il a dire difficilement, mais même elle devait savoir que la banquise était cassée à présent. Alors peut-être que quelqu’un allait comprendre ce que j’avais à dire à présent que le décors se dessinait à nouveau clairement.

-Ce n’est pas un ordre mais un conseil, expliquais-je posément à mon tour, ni moi ni cette jeune personne ne pouvons ni ne voulons te faire du mal. Alors si tu t’en prends à nous, c’est toi le monstre tu comprends ? C’est ça qui te fait le plus peur… non ? Je ne sais pas ce qui te fait croire que tu es différent, mais tu n’as aucune idée de ce que c’est... que de l’être vraiment.

Est-ce que ce que je venais dire avait un sens en dehors de ce que mon esprit percevait. J’en doutais. Mais au moins avais-je tenté ma chance.

/ je suis pas très convaincue... Au pire fais le pas s'en aller toute de suite, fais le rétorquer des trucs sinon c'est trop facile non?/
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyDim 19 Jan - 16:31

Je n'avais plus peur.

Enfin, si. Je savais de quoi Sébastian était capable. Il m'avait déjà frappée, et il m'humiliait depuis des années. Je le craignais encore, c'est vrai. Mais je n'avais plus peur de lui faire face, je n'avais plus peur des conséquences, parce que je savais que je faisais ce qu'il fallait, je savais qu'il était juste que je me défende, que je défende ma cause. J'avais raison de ne plus vouloir me laisser faire. Et il m'avait fallu attendre de voir le garçon s'en prendre à une autre que moi pour comprendre que ses actes étaient intolérables. Comme si, jusque là, je m'étais persuadé de ne pas être une victime suffisante pour motiver une rébellion.

- Me donne pas d'ordres, grinça le garçon.

Il semblait beaucoup moins apprécier ce revirement de situation.

- Ce n’est pas un ordre mais un conseil.

C'est la jeune fille blonde qui venait de prendre la parole. D'un ton, calme, posé, comme si ce qui la tourmentait quelques instants plus tôt s'était subitement envolé. Son calme si soudain semblait presque faire écho au mien.

- Ni moi ni cette jeune personne ne pouvons ni ne voulons te faire du mal. Alors si tu t’en prends à nous, c’est toi le monstre tu comprends ? C’est ça qui te fait le plus peur… non ? Je ne sais pas ce qui te fait croire que tu es différent, mais tu n’as aucune idée de ce que c’est... que de l’être vraiment.

Un court silence suivit cette déclaration... inattendue.

Cette fille avait l'art de faire fleurir des instants silencieux et incongrus sur ses paroles.
Fallait-il y voir un lien avec son don ?

Qu'importe. J'avais du mal à saisir le sens de ses paroles, mais Sébastian, en face de nous, blêmit brusquement. Je ne comprenais pas. Je peinais à croire qu'il puisse avoir peur de moi, ou de ce qu'il me faisait. Son assurance n'était pas feinte. Pourtant... Pourtant, j'avais bien conscience qu'il jouait la comédie, au lycée, sur le stade de foot, pour se faire bien voir, pour avoir le beau rôle, comme devant McKnight. Il était bon comédien pour ça, je le savais parfaitement. Je savais qu'il portait un masque, mais ce masque, il ne l'affichait qu'en public, devant les représentants de l'autorité : professeurs, policiers... Pas avec moi. Quand il me persécutait, le masque du gentil garçon aimé de tous se brisait pour dévoiler la petite brute qui s'en prend à plus faible que lui, et qui en retire un plaisir sadique. C'était ça son vrai visage, celui qu'il cachait si habilement sous ses allures de Mr Populaire.

A moins que... Qu'avait dit l'inconnue, déjà ? "Ce n'est pas moi qui me sens sale." Que fallait-il comprendre ? Le masque de Sébastian ne ferait-il que cacher un autre masque ? Où était la vérité ?

- Je ne suis pas un monstre, éructa le garçon, gorge nouée.

Son visage était crispé, ses yeux voilés. Pourquoi ? Par la haine ou la peur ? Ou bien avait-il conscience d'émettre un mensonge ? Je n'en savais fichtre rien. Je parvenais habituellement à lire ses émotions, à déchiffrer ses expressions. Après avoir passé tant de temps à le craindre et à le fuir, je savais reconnaître quand il s'apprêtait à lâcher une vacherie, quand il allait céder à la violence, quand il ceignait son masque de jeune homme irréprochable. Mais là, je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il pouvait bien se passer dans sa tête.

- C'est vous, les abominations. Le simple fait que vous respiriez est contre-nature. Vous ne devriez pas exister. Vous êtes un danger pour l'humanité.

Ah, là, il retrouvait sa verve habituelle. Mais étrangement, son discours sonnait faux à mes oreilles. Était-ce à cause de ma récente prise de conscience sur la cruauté réelle de ses paroles ? Ou lui-même voyait-il ses croyances mises à mal ?

Je levai les yeux au ciel. Quelle importance ? Ces mots, qu'ils soient motivés ou non, étaient absurdes.

- C'est faux ! déclarai-je avec aplomb.

Ses yeux se posèrent sur moi.

- Personne ne sait pourquoi ou comment les mutants sont apparus. Mais nous sommes là, c'est un fait. Et seul un fou et un idiot condamne la nouveauté sans chercher à comprendre. Et tu es de ceux-là, Séb.

Je fis un pas en avant.

- J'ai toujours peur de toi, parce que je sais ce dont tu es capable.

J'effleurais doucement la marque sur ma lèvre.

- Mais je ne me laisserai plus faire.
- Tu te crois maligne, Jeyne ?

Je réalisai à peine qu'il m'appelait par mon prénom normal, pour la première fois depuis des années.

La haine avait tendu ses traits et étincelait dans ses yeux. Il avait toujours détesté que je m'oppose à lui, même quand je me contentais de le défier du regard. Maintenant, j'y mettais les formes et les mots. Et il n'aimait pas ça. Il serra le poing, comme pour frapper. Mon estomac se noua douloureusement alors que les images de mon agression cascadaient dans ma tête. Mais je gardais la tête haute.

- Vas-y, soufflai-je à voix basse. Cognes-moi, comme l'autre fois.

Je restai face à lui, droite, le fixant droit dans les yeux même si mes jambes voulaient s'enfuir à toute vitesse. C'était stupide de le défier, de le provoquer comme ça. De la pure folie. Mais je préférais encore être une folle qu'une victime. J'étais restée trop longtemps sans rien faire.

A ma grande surprise, un éclat de peur traversa les prunelles du garçon.

- T'es cinglée...






//J'aime bien comment ça se goupille, même si j'ai pas la moindre idée de comment ça va finir... xD
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 20 Jan - 18:58

Mon discours avait été évidemment suivit d’un profond silence. Il y eut une nouvelle rafale de vent. Mais la banquise était toujours brisée, la nouvelle vague froid n’avait pas pu glacer la peine. Le relent profond qui remontait me donnait la nausée. De la honte ? Du dégoût de soi ? Je ne savais pas jamais mettre les bons mots sur ce que me faisait vivre les gens. Mais il ne fallait pas que je perde mon calme alors je me concentrais sur sa détermination, dépourvu de haine, animée seulement par un juste combat. J’aurais aimé me sentir comme cela aussi, alors je me fondais dedans pour oublier ma propre peur. Si elle n’avait pas été là. J’aurais probablement détalé depuis longtemps.

-Je ne suis pas un monstre cracha-t-il tout à coup.

Mais personne n’était plus dupe, alors je fis un pas vers lui. Après tout, ce devait être difficile de se sentir comme cela, probablement tous les jours. Il fallait essayer encore de parler, même si je savais que probablement ni lui, ni elles ne comprenaient ce que je disais. Dans ces moments, j’aurais voulu montrer à la face du monde ce que je voyais. Témoin de la souffrance muette, je ne pouvais que me taire à mon tour.

-C’est précisément ce que je suis en train de dire. Tu n’es pas un monstre. Tu peux le croire tu sais ?

Mais cette phrase tomba dans le néant total et il ajouta comme si je n’avais rien dit.

- C'est vous, les abominations. Le simple fait que vous respiriez est contre-nature. Vous ne devriez pas exister. Vous êtes un danger pour l'humanité.

Je soupirais… au fond tout cela était désespérant. Déchirant même. J’avais peur de lui encore. Et j’entendais à travers ses mots ceux que mon père m’avait répété maintes et maintes fois et que j’avais écoutés sans rien dire alors que j’ignorais encore tout de ma propre nature. Un instant je plongeais entière dans le puis sans fond de ma propre tristesse. Mais son courage me tirant brusquement vers le haut.

-C’est faux ! s’insurgea-t-elle. J’étais profondément d’accord mais j’avais la sensation que ce n’était pas la question. Sauf que personne ne pouvait comprendre de quoi il était question.

-Tu n’es pas obligé de nous désigner pour prendre ta place. La vérité c’est que les monstres, ça n’existe pas. C’est simple tu vois ?

Mais il la regardait elle à présent. Il n’avait cure ce que je pouvais dire, car c’était elle et sa soudaine révolte qui le terrorisait. Elle refusait de se tenir à la place qu’il lui avait assignée. Elle refusait de rendre faible le monstre en lui, elle ne voulait pas laver la noirceur à sa place. C’était naturel au fond.

- Personne ne sait pourquoi ou comment les mutants sont apparus. Mais nous sommes là, c'est un fait. Et seul un fou et un idiot condamne la nouveauté sans chercher à comprendre. Et tu es de ceux-là, Séb.

Je songeais qu’elle était loin, très loin du compte. Mutants ou pas, cela n’avait pas d’importance. Si nous n’avions pas été différentes, il nous aurait battu parce que nous étions des femmes, ou que nos yeux étaient d’une couleur particulière. Ce qui importait, c’était de tout glacer, que la banquise se reconstruise pour que ce qui était en dessous reste à sa place, bien caché.

-J’ai toujours peur de toi, parce que je sais ce dont tu es capable, mais je ne me laisserais plus faire.

En effet je ne sentais aucune trace de peur réelle dans son esprit, elle se tenait juste à distance pour ne pas prendre de risque. Ce n’était pas la terreur qui éblouit l’âme jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus formuler une seule pensée. Encore une fois, je jalousais sa force. A côté de ceux que je croisais, mon esprit était une vulgaire passoire percée parfois.

- Tu te crois maligne, Jeyne ?

Décidément, il fallait qu’il cesse de parler. Chaque fois qu’il disait quelque chose, sa confiance fondait comme neige au soleil. Cette fois elle s’approcha, le visage fermé par la détermination. Elle se plaça nettement face à lui et j’observais la scène impuissante, sans pouvoir rien faire d’autre que de tourner dans mon esprit leurs émotions dans tous les sens pour chercher quelque chose à dire qui puisse empêcher ce que je sentais menacer.

- Vas-y,souffla-elle. Cognes-moi, comme l'autre fois.

Il n’y avait que deux issues possibles à cette joute de regard. Il la frappait et je sentais que probablement ni moi ni elle ne résisterions à une nuée de coups, quand bien même nous étions deux. Où alors la banquise achevait de fondre et c’était lui qui se retrouvait K.O.

Il y eut un moment où il me fallut tenir mes tempes à nouveau, mettre une main sur mon ventre pour me souvenir que cette nausée psychique, cette puanteur ne m’appartenait pas.

- T’es cinglée… finit-il par lâcher.

-Non, trouvais-je la force de dire, elle te montre à quel point cela est absurde. Tu ne mérites pas de lui faire ça.

Juste après l’avoir prononcée je réalisais que cette phrase était un non sens total. Mais il n’existait pas de mots qui aient un sens commun pour parler de tout cela.

// Moi aussi j'aime bien.
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyVen 24 Jan - 19:44

J'étais en train de défier Sébastian, le garçon qui me tyrannisait depuis des années. Je le provoquai, pour de vrai, pas seulement en soutenant difficilement son regard pendant qu'il m'insultait copieusement. J'étais face à lui, droite, assurée, et alors qu'il menaçait de me frapper, je le cherchais encore, l'invitant carrément à me cogner dessus. Si on m'avait dit que j'agirais un jour de cette façon... je n'y aurais jamais cru. Déstabilisé par mon comportement qui sortait du rôle de victime qu'il m'avait attribué - ou que je m'étais attribuée toute seule, je n'étais pas sûre de le savoir - Sébastian s'était figé et j'avais eu la surprise de voir un éclat de peur au fond de ses prunelles orageuses.

- T’es cinglée… finit-il par lâcher.

Je réfléchissais encore à une répartie, lorsque la jeune fille blonde intervint :

- Non, elle te montre à quel point cela est absurde. Tu ne mérites pas de lui faire ça.

Autant, j'étais parfaitement d'accord avec sa première phrase, autant mon esprit cala sur la seconde. Je m'efforçai de le redémarrer. En vain. Panne sèche.

Je fronçai les sourcils, sans comprendre, et lui jetai un coup d'œil. On aurait dit qu'elle venait de courir un marathon (alors que c'était moi qui avait couru comme une dératée pour échapper à Sébastian). Elle s'était pas emmêlée les pinceaux dans les pronoms, là ? En même temps, elle semblait un peu... bizarre. Je n'y avais pas vraiment prêté attention jusque là, concentrée sur ma confrontation avec Sébastian, mais après réflexion, elle avait vraiment une façon étrange de s'exprimer.

"Tu n’es pas un monstre. Tu peux le croire tu sais ?"
"La vérité c’est que les monstres, ça n’existe pas. C’est simple tu vois ?"


Comme si elle s'adressait à un enfant.

Pendant un bref instant, toute l'animosité et la tension entre moi et le joueur de football sembla disparaître, tandis que nous fixions la jeune inconnue, complètement largués. Mais ce fut bref, bien vite la défiance revint, et avec elle la peur et la rage.

- Complètement folles... grogna Sébastian, comme dépassé par les évènements.

Il secoua la tête et commença à s'éloigner en marmonnant :

- Carrément tarées...

Avant que je n'ai pu réagir, il avait disparu au tournant du chemin. Je restai immobile un instant puis lâchai un long soupir, détendant enfin mes épaules qui étaient - sans que j'en ai conscience - restée nouées toute l'après-midi. Si je chopais pas un torticolis après ça... Je me tournai vers la jeune fille, à côté de moi.

- Merci... d'être intervenue. Je m'appelle Jeyne Swann.

Je lui souris. Je me sentais plus légère que jamais. Pas seulement parce que Sébastian venait de partir, mais surtout parce je m'étais libéré du poids de la culpabilité. La culpabilité d'être mutante.

- Je... Je ne comprends pas pourquoi Sébastian déteste autant les... - le mot se déroba à mes lèvres, mais je me forçai à le prononcer, je n'avais plus à avoir peur d'un simple mot - ... mutants...







// Je savais vraiment pas comment faire réagir Séb...
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptySam 25 Jan - 22:51

Je désespérais parce que comme toujours mes mots n’avaient aucun impact. La surprise dans leurs esprits marquait leur incompréhension. C’était un véritable supplice au fond. Savoir qu’elle avait fait face à sa peur toute seule, sans l’aide de personne, qu’elle avait mené ce combat terrible sans soutien. Et pire, savoir que rien de ce que je pourrais dire ou faire n’arrêterait cette horrible hémorragie au travers de la banquise brisée. A quoi diable servait ce maudit don ? Savoir sans rien pouvoir changer  qu’est ce que ça pouvait apporter sinon me réduire à une solitude ou personne ne peut se représenter ce à quoi j’étais confrontée. Voir les gens s’entredéchirer aux premières loges, en souffrir sans pouvoir les apaiser ? A quoi est-ce que cela rimait ?

Ils me fixaient et il n’y avait rien que je pouvais dire pour expliquer. Cette noirceur, cette nausée, ce dégoût, cette haine de soi. Tous ces mots n’étaient que de pâles copies, personne ne pouvait comprendre, j’étais seule pour toujours parce que les gens eux-mêmes parfois ne savaient rien de leurs propres émotions, et n’en sauraient sans doute jamais rien.

-Complètement folles…grogna le jeune homme et je l’observais sidérée. Comment pouvait-on ne pas vomir avec ça à l’intérieur de soi ? Comment pouvait-on juste tourner le dos et s’en aller de la sorte.C’était injuste au fond. Il secoua simplement la tête, comme si cela pouvait miraculeusement tout effacer et dit une dernière fois avant de s’éloigner :

-Carrément tarées…

Il avait disparu et je restais là terrassée par ma propre impuissance. La fatigue tombait sur moi. J’avais mis trop d’énergie à essayer d’y changer quelque chose, à faire que les choses soient moins pires et ne se répètent pas. Les émotions du parc entier se battaient aux portes de mon esprit et mon souffle était fort. J’avais peur de céder à la panique à nouveau, comme à la marina en croisant ce fou. Je manquais de perdre le contrôle encore mais sa voix me rappela soudain que je n’étais pas seule.

-Merci… d’être intervenue. Jeyne Swann.

Comme elle me parlait mon esprit se tourna vers le sien et je me sentis mieux. Elle était calme à présent, fatiguée mais soulagée du départ soudain de toute cette peur accumulée. Moi aussi je l’étais… Sans doute. Je lui souris pour la rassurer.

-Intervenue… Mon intervention à été parfaitement inutile je crois. Lyra James.

Elle reprit :

- Je... Je ne comprends pas pourquoi Sébastian déteste autant les... mutants...

Le dernier mot avait été difficile à dire pour elle, encore malgré tout. Moi j’y arrivais toujours avec difficulté.

-Parce qu’il lui fallait quelque chose à détester… commençais-je, mais à nouveau je commençais à sentir le désespoir m’envahir. Quand bien même elle voudrait comprendre, même si elle le voulait vraiment. J’allais avoir beaucoup beaucoup de mal à lui expliquer ça.

/Non, c'est bien comme ça va. ça aurait été trop facile qu'il comprenne miraculeusement, qu'il s'excuse ou je sais pas quoi. En même tu l'as vaincu et en même temps il est toujours aussi con. C'est bien du coup. Enfin je trouve.../
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 27 Jan - 20:56

Sébastian était parti et je pouvais enfin respirer. Je remerciai la jeune inconnue de son intervention et me présentais rapidement.

- Intervenue… Mon intervention à été parfaitement inutile je crois. Lyra James.

Je n'étais pas d'accord. Si elle n'était pas intervenue, Sébastian ne s'en serait pas pris à elle en la traitant de sale mutante, lui donnant le même rôle de victime qu'il me donnait à moi-même. Et alors je n'aurais pas réalisé la cruauté de ses actes. Et que ceux-ci soient dirigés contre elle ou contre moi ne changeait rien à leur injustice. C'est ça qui m'avait donné la conviction d'avoir le "droit de me défendre", j'avais quitté mon costume de victime et trouver la force de tenir tête à celui qui me tyrannisait depuis des années. Mais comment lui expliquer ça ? Comment arriver à formuler que je ne me considérais jusque là comme une victime négligeable et qu'il m'avait fallu attendre de le voir s'en prendre à elle pour comprendre que ce n'était pas le cas ?

Je ne pouvais pas formuler ça à voix haute... C'était... Je sais pas. Cela ne se faisait pas de dire ce genre de chose, je suppose. Pas comme ça, en tout cas. A cours d'idée, je laissais passer et ajoutai, presque sur un ton d'excuse, que j'ignorais pourquoi Séb s'en prenait ainsi aux mutants.

Sa réponse me surprit.

- Parce qu’il lui fallait quelque chose à détester…

Elle s'interrompit, comme si elle rechignait à aller plus loin dans son raisonnement.

Je restai silencieuse un instant, m'efforçant de comprendre. La haine est un effet, pas une cause. C'est parce que je suis une mutante que Sébastian me déteste. Il y a une raison à son animosité, une cause. Sa colère n'en est que la conséquence, et ses paroles dures, ses gestes violents, n'en sont que l'expression. On ne cherche pas quelque chose à détester pour le simple plaisir de détester la chose en question. La haine est toujours motivée par quelque chose, ce n'est pas une fin en soi.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Je ne comprenais pas. En fait, en y réfléchissant, il y avait beaucoup de choses dans ce qu'elle avait dit au cours de la "discussion" que j'avais du mal à saisir. Comme si elle faisait allusion à une situation tout autre que la nôtre... et c'était déroutant.





// Un peu cours, désolée.
Carrément, très, très court, en fait XD
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyMar 28 Jan - 19:59

La jeune fille s’était présentée à moi puis elle m’avait remerciée. Cette information méritait que je m’y arrête une minute. Pourquoi diable éprouvait-elle cette gratitude que je sentais être réelle ? Je n’avais fait que m’interposer et donc risquer de prendre des coups à mon tour. J’avais prononcé des paroles que personne ne comprenait. Et c’était tout.

Face à moi et un peu incrédule elle-même sembla soudain retraverser les émotions qu’elle venait de vivre. Et au tout départ il y avait la boue noirâtre, le dégoût. Le sien. Mais pas de banquise pour elle, pas de dureté, elle l’avait entouré de souffrance et c’était cela qu’il avait voulu tuer en elle sans doute. Et moi dans tout ça ? Quand est-ce que les choses s’étaient renversées dans son esprit ? Je ne savais plus très bien. Elle semblait penser que c’était grâce à moi, mais réellement je ne comprenais pas. Plus exactement je ne concevais pas que quelque chose de positif puisse se produire grâce à moi, parce que j’avais dit ou fait quelque chose. J’avais sans doute ma propre répugnance, moi aussi pour ce que j’étais et malgré toutes les bonnes résolutions que j’avais prises.

Elle me demanda pourquoi cet jeune homme détestait les mutants et évidemment ma réponse ne la satisfaisait pas. Elle ne comprenait pas.

- Qu’est ce que tu veux dire ? demanda-t-elle.

En réalité je n’avais aucune envie de tenter de préciser ma pensée. Je savais que je ne pouvais pas, et que j’allais encore me trouver confrontée à l’irrémédiable différence entre moi et le reste du monde. Non seulement j’étais une mutante, mais le problème était surtout que j’avais accès à un autre ordre de réalité, un autre monde dont la plupart des gens ignoraient l’existence. Il n’y avait personne à qui je pouvais décrire ce que je vivais.

Mais elle me regardait calme et curieuse. Son esprit semblait doux une fois l’orage passé, un peu comme un petit nuage. Je me dis alors qu’il ne fallait pas perdre espoir si facilement. Peut-être fallait-il tout simplement commencer par le début. Et puis, je n’étais pas seule dans le parc, me distrayant avec son esprit je ne risquais pas d’être emportée par la masse. Nous avions le temps.

-Oui… évidemment, c’est compliqué… Excuse-moi. J’aurais sans doute dû commencer par te parler de ma… particularité. Je suis une empathe, je perçois les émotions des gens et aussi quelque chose leur personnalité. Pour le dire le plus simplement, je sais ce que ça fait d’être eux, au moment où je suis en contact avec eux.  

Je baissais un peu les yeux et évitais de préciser que conséquemment, je savais ce que ça faisait d’être elle à cet instant précis. C’était cet aspect qui était le pire, pour les autres en tout cas.  Je repris donc mon explication où je l’avais laissée.

-Tu vois… parfois… S’en prendre à quelqu’un d’autre est un moyen d’oublier qu’on a quelque chose commun avec cette personne. Où plus exactement de détruire ce quelque chose à l’intérieur de l’autre. En s’en prenant à toi, il te désigne comme le monstre, le différent et il peut se faire croire qu’il ne se sent pas comme ça. Ce sentiment était déjà là, sans doute bien avant que l’histoire des mutants n’émerge.  Mais parce qu’il y a des mutants maintenant, les humains se définissent par rapport à eux. Tous ceux qui se sentent menacé dans leur humanité, tout ceux qui ont la sensation d’être monstrueux se tournent vers les mutants pour désigner un autre qu’eux à la place du monstre. C’est un moyen d’y échapper tu vois ?

Je soupirais profondément. Je doutais d’avoir été claire.

/ Ne t'en fais pas pour la longueur... En même temps je ne t'avais pas donné beaucoup de grain à moudre. Te mets pas la pression pour ça va.../
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptySam 1 Fév - 21:28

Ayant du mal à comprendre ce que Lyra voulait dire, je lui demandai plus de précisions.

- Oui… évidemment, c’est compliqué… Excuse-moi. J’aurais sans doute dû commencer par te parler de ma… particularité. Je suis une empathe, je perçois les émotions des gens et aussi quelque chose leur personnalité. Pour le dire le plus simplement, je sais ce que ça fait d’être eux, au moment où je suis en contact avec eux.

Je haussai les sourcils. Je n'avais jamais entendu parler d'un don de ce type.

Empathe. Cela voulait-il donc dire qu'elle avait perçu ma peur, tout à l'heure, et que c'était pour ça qu'elle s'était interposée entre moi et Sébastian ? Si ma supposition était exacte, alors il lui avait fallu une bonne dose de courage pour agir. J'étais bien placée pour savoir à quel point il est difficile d'affronter ses propres peurs. Alors affronter en plus celles des autres...

Percevoir les émotions des autres, savoir ce que c'est que "d'être eux"... Elle avait donc perçu les sentiments de Sébastian ? Je sentis une vague curiosité m'envahir. Je côtoyai le garçon depuis des années, mais sans jamais être parvenue à le comprendre totalement. Ou plutôt, je pensais le connaître, mais les évènements de ces dernières semaines montraient que j'avais peut-être tord. J'attendis la suite de ses explications.

- Tu vois… parfois… S’en prendre à quelqu’un d’autre est un moyen d’oublier qu’on a quelque chose commun avec cette personne. Où plus exactement de détruire ce quelque chose à l’intérieur de l’autre. En s’en prenant à toi, il te désigne comme le monstre, le différent et il peut se faire croire qu’il ne se sent pas comme ça. Ce sentiment était déjà là, sans doute bien avant que l’histoire des mutants n’émerge. Mais parce qu’il y a des mutants maintenant, les humains se définissent par rapport à eux. Tous ceux qui se sentent menacé dans leur humanité, tout ceux qui ont la sensation d’être monstrueux se tournent vers les mutants pour désigner un autre qu’eux à la place du monstre. C’est un moyen d’y échapper tu vois ?

Je restai un moment silencieuse.

J'avais du mal à croire que Séb et moi puissions avoir quelque chose en commun, hormis de vieux souvenirs d'enfance, quand je n'étais pas encore une mutante. Était-elle en train de dire que Sébastian se sentait "différent" ? Pourtant, il avait tout pour lui. Une famille aimante qui le soutenait, de nombreux amis, son équipe de foot, de bonnes notes, du succès avec les filles... En apparence, il avait tout pour être heureux. En apparence, c'était peut-être ça la clef. Trouvait-il vraiment le bonheur dans cette vie parfaite et surfaite ? Je ne m'étais jamais posée la question, trop occupée à le craindre.

- Tu... Tu veux dire que Sébastian se sent "différent" et qu'il utilise les mutants comme bouc émissaires à son malheur ?

Je restai abasourdie par mes propres paroles. Je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle, persuadée que Sébastian n'était qu'une petite brute qui s'amusait à malmener plus faible que lui. Mais, selon Lyra, ce côté "brute" ne serait qu'un masque. Un de plus. Je n'étais pas certaine d'y croire. Je pensais avoir véritablement cerné le garçon. Mais en revoyant l'expression qu'il avait eu lorsque je m'étais opposée à lui... Il y avait eu de la surprise, mais aussi un certain... désarroi. Parce qu'il ne savait plus quoi faire parce que je n'agissait plus comme il le prévoyait. J'étais sorti de mon rôle de victime. Alors se pouvait-il que le bourreau ne soit également qu'un costume ?

- A l'école, il se fait passer pour un gentil garçon, populaire, aimé de tous. Mais je sais que ce n'est qu'un rôle. Derrière le masque du footballeur populaire, se cache le sale type qui me harcèle depuis des années. Je pensais que c'était ça son vrai visage. Mais alors... il y aurait encore autre chose, dessous...?

Un masque sous le masque.
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyDim 2 Fév - 11:42

Je venais d’expliquer à Jeyne ce que j’avais vu dans la tête de Sébastian… Enfin expliquer c’était un bien grand mot. Ce genre de choses était toujours compliquées à mettre en mots, mais elle semblait écouter avec beaucoup d’attention alors j’avais bon espoir de pouvoir lui faire comprendre un peu mieux de quoi il s’agissait.

- Tu... Tu veux dire que Sébastian se sent "différent" et qu'il utilise les mutants comme bouc émissaires à son malheur ? me demanda-t-elle.

Je lui fis un grand sourire. J’étais reconnaissante parce qu’il était rare qu’on prenne autant la peine d’écoute ce que j’avais à dire, de démêler pour moi le mélimélo de mon esprit.

-C’est ça, répondis-je

Il désignait les mutants à sa place pour se sentir mal. Il leur faisait porter sa propre souffrance et les maltraitant. Elle poursuivit sans doute pas encore tout à fait sûr d’avoir suivi :

- A l'école, il se fait passer pour un gentil garçon, populaire, aimé de tous. Mais je sais que ce n'est qu'un rôle. Derrière le masque du footballeur populaire, se cache le sale type qui me harcèle depuis des années. Je pensais que c'était ça son vrai visage. Mais alors... il y aurait encore autre chose, dessous...?


Tout cela était limpide et logique pour moi. Plus elle en parlait et plus je remettais tous les éléments de la réalité en face de ce que j’avais ressenti en lui.

-Tu sais… ça ne m’étonne pas ce que tu dis. Sébastian se sent très mal je ne sais pas pourquoi, mais c’est un fait. Se faire aimer et apprécier de tous est un moyen de se sentir mieux. Et désigner un autre pour le placer en dessous de tout en est un autre. Ce sont deux facettes d’une seule et même chose tu vois. A l’origine de tout ça il y a je sais pas… Cette espèce d’horrible impression de nullité absolue… Ce n’est pas évident de mettre des mots sur quelque chose de ce genre.


Je frissonnais en y repensant. Cela avait été compliqué pour moi d’autant plus que j’avais déjà vécu ça. En même temps je me sentais tout aussi solidaire de Jeyne parce que j’avais aussi été celle qu’on désigne comme responsable de tout le malheur des autres. Parfois je me demandais pourquoi les gens qui vivaient les mêmes choses ne pouvaient pas tout simplement se tendre la main au lieu de s’autodétruire. Parce que oui, je ne voulais pas vraiment lui dire, mais si Sébastian l’avait choisie elle parmi tous les mutants qu’il avait sans doute pu rencontrer c’était qu’elle partageait elle aussi ce sentiment.

Au lieu de cela je me contentais de lui sourire et de poursuivre.

-En tout cas merci d’avoir… Essayer de comprendre… parfois, quand je suis… plongée dans quelqu’un on ne me comprends plus.
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 3 Fév - 17:21

Lyra venait de m'expliquer que Sébastian était bien plus complexe qu'il n'y paraissait. Que son côté brute insensible et sadique n'était qu'un masque de plus. Mais j'avais un peu de mal à me faire à cette idée.

- Tu sais… ça ne m’étonne pas ce que tu dis. Sébastian se sent très mal je ne sais pas pourquoi, mais c’est un fait. Se faire aimer et apprécier de tous est un moyen de se sentir mieux. Et désigner un autre pour le placer en dessous de tout en est un autre. Ce sont deux facettes d’une seule et même chose tu vois. A l’origine de tout ça il y a je sais pas… Cette espèce d’horrible impression de nullité absolue… Ce n’est pas évident de mettre des mots sur quelque chose de ce genre.

Je restai silencieuse. J'avais toujours vu Sébastian comme un con, un petit tyran. Je me doutait que sa haine des mutants cachait quelque chose, mais je n'aurais jamais pu imaginer que ce quelque chose puisse être "une impression de nullité absolue" pour reprendre les mots de Lyra. Et cela me faisait bizarre de penser à lui de cette façon, parce que cela différait totalement de l'image que j'avais de lui jusqu'à présent. Il n'était pas seulement un con et un petit tyran. Il y avait autre chose, Lyra venait de me le confirmer. Quand à savoir quoi exactement...

Je n'étais pas certaine de vouloir le savoir. Peut-être par crainte de découvrir ce qui avait pu le conduire à de telles extrémités... ou plus probablement parce que je lui en voulais encore trop de ce qu'il m'avait fait pour chercher à comprendre en profondeur et donc, d'une certaine manière à l'aider... Un comportement certainement égoïste, mais je n'étais pas capable de faire plus à l'heure actuelle.

- En tout cas merci d’avoir… Essayer de comprendre… parfois, quand je suis… plongée dans quelqu’un on ne me comprends plus.

Je souris.

- J'avoue que lorsque tu parlais à Sébastian, je ne comprenais pas un traître mot de ce que tu pouvais dire. En même temps tu perçois ce que les autres ne perçoivent pas, normal qu'il y ait un décalage.

Je haussai les épaules.

- Mais la compréhension est toujours possible, pour un peu qu'on soit assez ouvert et qu'on en fasse l'effort.

J'hésitai un instant avant de poursuivre :

- Cependant, même si je comprends le concept, j'ai toujours un peu de mal à voir Sébastian de cette façon. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle.

Je me tus un instant.

- Ce ne doit pas être facile d'avoir un don pareil... C'est déjà pas évident de gérer ses propres émotions, alors devoir en plus gérer celles des autres personnes autour de soi...

La galère. Pour le coup, je me trouvais chanceuse avec mon don, certes inutile, mais sans aucun danger, ni pour moi, ni pour les autres. En y réfléchissant, tous les mutants que j'avais rencontré avaient avoir bien plus de difficultés que moi à gérer leur dons : Billy avec le feu, Lyra avec les émotions d'autrui... Mes origamis étaient bien plus tranquilles à côté de ça.

A la réflexion, je comprenais mieux pourquoi, à certaines reprises, elle s'était arc-bouté, main sur les tempes, comme si elle souffrait le calvaire. Ma confrontation avec Sébastian avait du être un déluge d'émotions pour elle.

- Mais, ça va, pour toi ? Enfin, je veux dire... Tu as certainement du faire face à des sentiments assez forts au cours de la "discussion". Tu tiens le choc ?
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 3 Fév - 20:27

J’étais vraiment contente parce que j’avais la sensation que Jeyne avait compris ce que j’avais essayé de lui dire à propos de Sébastian, et ce, alors même qu’elle était la moins bien placée pour le faire. Que je sois parvenue à mettre en mots aussi bien les choses était en soi un miracle, mais le vrai soulagement consistait dans le fait que j’avais trouvé une oreille attentive à qui raconter ce que je venais de vivre. Je la remerciais donc d’accorder tant d’attention à ce que je pouvais dire de ce que je vivais, tout en m’excusant pour toutes les phrases incompréhensibles que j’avais dites et aussi un peu pour mon inutilité totale.

- J'avoue que lorsque tu parlais à Sébastian, je ne comprenais pas un traître mot de ce que tu pouvais dire. En même temps tu perçois ce que les autres ne perçoivent pas, normal qu'il y ait un décalage.

Je rougis un peu et regardais mes pieds. Un décalage, ce mot me fit un peu mal parce qu’il était vrai. Je tâchais de lui sourire tout de même.

-Oui c’est ça… je suis… décalée. Surtout dans ce genre de moments. C’est très compliqué de s’exprimer clairement parce que je n’arrive plus à réfléchir.

Je baissais les yeux à nouveau, me souvenant d’à quel point ma perception de la réalité pouvait se distordre. Cela faisait parti de ma vie que je le veuille ou non. C’était irrémédiable.

- Cependant, même si je comprends le concept, j'ai toujours un peu de mal à voir Sébastian de cette façon. Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, ajouta-t-elle.

Oui c’était la logique même. C’était facile pour moi d’envisager la faiblesse de son bourreau puisque je l’avais sous les yeux, et même prise en plein visage. Mais elle était la victime il était légitime qu’elle se fiche des motifs de sa conduite et se contente d’être en colère contre lui. Un instant je me maudis pour avoir chercher de lui expliquer, mais après tout, c’était elle qui l’avait demandé. Je répondis un peu mal à l’aise.

-Oui… C’est normal je suppose. Tu n’es pas vraiment à la bonne place pour comprendre cela en fait…

Et comme je disais cela, je me rendis compte que même si elle était calme, la colère brillait effectivement quelque part par derrière. Il y avait des jours où j’avais presque envie d’expérimenter moi-même cette étrange émotion. Dans ce contexte, elle me paraissait salvatrice. Mais c’était un contexte sacrément mauvais en soi.

- Ce ne doit pas être facile d'avoir un don pareil... C'est déjà pas évident de gérer ses propres émotions, alors devoir en plus gérer celles des autres personnes autour de soi...reprit-elle.


J’eus une sorte de rire étrange avant de lui répondre. J’étais presque gênée qu’elle me plaigne en réalité, après ce que sa condition de mutante à elle lui avait fait vivre.

-Non ce n’est pas évident…soufflais-je rougissant toujours. Il y a le fait que parfois je suis envahie. Dans ces cas là je tombe des les vapes. Là ça va parce que je suis avec toi, mais lorsque je suis seule, que je ne suis avec personne en particulier, je dois faire face à tout le monde, tous les gens qui se trouvent sur plusieurs centaines de mètres à la ronde. J’ai accompli un exploit aujourd’hui en venant toute seule ici.

Je parvins à lui sourire de nouveau. Parler de cela me faisait du bien, surtout juste après ce que je venais de vivre.

- Mais, ça va, pour toi ? Enfin, je veux dire... Tu as certainement du faire face à des sentiments assez forts au cours de la "discussion". Tu tiens le choc ?

J’eus un nouveau sourire gêne parce que je n’avais pas l’intention de mentir.

-Maintenant oui… Mais je dois avouer que j’ai bien cru que j’allais m’évanouir encore, et que vous deux vous avez vécu certaines choses qui étaient pour moi à la limite de l’insupportable. Mais maintenant ça va… C’est fini… Dis tu…tu ne voudrais pas qu’on aille je sais pas… S’asseoir dans l’herbe ? Boire un coup ? Manger une glace ?

Je ris de nouveau, un peu mal à l’aise. J’avais peur qu’elle refuse, qu’elle me laisse de nouveau seule avec la foule contre laquelle je devais me battre. Après tout, contrairement à ce que je croyais peut-être à cause de mon don, nous ne connaissions pas.  Alors je poursuivis très vite comme pour effacer ce que je venais de proposer.

-Et ton don à toi c’est quoi ?
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 3 Fév - 21:41

Lyra m'avait parlé de son don et très sincèrement, je ne savais pas comment elle faisait pour arriver à gérer ça. J'avais parfois du mal à démêler les pinceaux dans mes propres sentiments, alors devoir en plus s'occuper de ceux des autres... Elle eut un drôle de rire avant de répondre, comme si ma remarque la mettait mal à l'aise. J'avais peut-être abordé un sujet sensible, j'aurais du faire plus attention à mes paroles.

- Non ce n’est pas évident… dit-elle finalement, toujours mal à l'aise. Il y a le fait que parfois je suis envahie. Dans ces cas là je tombe des les vapes. Là ça va parce que je suis avec toi, mais lorsque je suis seule, que je ne suis avec personne en particulier, je dois faire face à tout le monde, tous les gens qui se trouvent sur plusieurs centaines de mètres à la ronde. J’ai accompli un exploit aujourd’hui en venant toute seule ici.

Je pouvais comprendre qu'il lui soit difficile de faire face à une foule. Déjà que je n'aimais pas les lieux trop peuplés, je n'osais imaginer ce que ce devait être que de percevoir en plus toutes leurs émotions. Mais je ne comprenais pas en quoi ma présence pouvait l'aider.

- Je ne suis pas sûre de saisir. Pourquoi le fait d'être avec moi t'aide à tenir le coup ?

Vu que le sujet était lancé, je lui demandai sur la "discussion" avec Sébastian n'avait pas été trop éprouvante pour elle, vu le déluge d'émotions que cela avait du être pour elle.

- Maintenant oui… Mais je dois avouer que j’ai bien cru que j’allais m’évanouir encore, et que vous deux vous avez vécu certaines choses qui étaient pour moi à la limite de l’insupportable. Mais maintenant ça va… C’est fini… Dis tu…tu ne voudrais pas qu’on aille je sais pas… S’asseoir dans l’herbe ? Boire un coup ? Manger une glace ?

Elle rit, mais son rire sonnait faux. Je la sentais de plus en plus mal à l'aise, et je me demandai si je n'avais pas fait quelque chose de travers, ou si c'était juste le contre-coup du "déluge". Elle repris, avant même que j'ai eu le temps d'ouvrir la bouche.

- Et ton don à toi c’est quoi ?
- Ah, euh...

Bingo, c'était à mon tour d'être mal à l'aise. Je me mordis la lèvre, sentant encore la croûte de ma cicatrice frotter contre mes dents. Je devais me reprendre. Je n'avais plus à avoir peur de mon pouvoir.

- C'est pas grand chose, fis-je, un peu plus assurée. Tu connais les pliages japonais, les Origamis ? Bah, en fait j'arriver à animer les pliages que je réalise. A leur "donner vie" en quelque sorte.

Je haussai les épaules.

- Bref, rien de bien fantastique.

Je souris. C'était la première fois que j'en parlais avec autant de naturel. Même avec Billy, j'avais été gênée de faire ma petite "démonstration" avec une serviette en papier.

- Et je serais ravie de partager un petit quelque chose avec toi. Il y a un marchant ambulant à l'entrée du parc. Il vend des crêpes et des gaufres. Ainsi que des glaces ! On y va ?

Elle accepta et on se mit en marche. Le stand n'étant pas très loin, nous fûmes vite arrivés.

- Je suis bien tentée par une gaufre au Nutella ! J'en ai pas mangé depuis que je suis gamine. Et toi, qu'est-ce qui te tente ?
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyMer 5 Fév - 18:11

Je venais d’expliquer à Jeyne en quoi consistaient mon don et les difficultés qu’il me posait dans la vie de tous les jours. Parler de cela m’avait fait du bien, mais je n’avais pas anticipé sa question.

- Je ne suis pas sûre de saisir. Pourquoi le fait d'être avec moi t'aide à tenir le coup ?

J’hésitais un court instant avant de répondre. C’était toujours un peu gênant d’expliquer au gens que j’avais en permanence un œil sur leurs esprits, alors j’avais éludé le sujet. Mais à présent j’étais un peu contrainte d’expliciter.


-On va dire que… Quand je suis en présence de quelqu’un, mon don se tourne vers cette personne en quelque sorte. Donc je ne suis plus obligée de supporter toute la foule. Mais tout ça... je ne le maîtrise pas vraiment en fait. Au début j’étais confrontée à la foule tout le temps. J’imagine que mon esprit a trouvé ce moyen de m’assurer un minimum de… sécurité.



Puis nous avions parlé de la conversation qui venait de se dérouler sous mes yeux. J’étais touchée que Jeyne s’inquiète pour moi de la sorte, alors je n’avais pas envie qu’elle me laisse là toute seule. Je n’avais que rarement l’occasion de faire des connaissances alors maladroitement je lui proposais qu’on aille manger ou boire quelque chose ensembles. Mais comme j’étais mal à l’aise tout de suite après je la questionnais sur son don. Evidement son malaise vint s’ajouter au mien dans mon esprit, alors je baissais les yeux encore d’avantage avec l’envie de disparaître. Mais qu’est ce qui m’avait pris de poser cette question sensible, comme ça, de but en blanc ?

-Ah euh... commença-t-elle

J’allais me rependre en excuses mais elle poursuivit.

- C'est pas grand chose…Tu connais les pliages japonais, les Origamis ? Bah, en fait j'arrive à animer les pliages que je réalise. A leur "donner vie" en quelque sorte.

A travers toute sa gêne et la mienne j’eu peine à m’en apercevoir mais j’étais émerveillé. Voilà quelque chose que j’aurais aimé pouvoir faire. C’était à la fois inoffensif, doux, beau, poétique.

-Bref, rien de bien fantastique.

-Mais si, protestais-je, ça doit être magnifique !

Je m’imaginais soudain Moi, Jeyne et Elena sur la scène de Croco en train de faire un spectacle. Je m’imaginais dansant pendant qu’Elena chantait que Jeyne entourait mon corps de petits oiseaux en papier. Je chassais cette pensée. Après tout, pour cela, il aurait déjà fallu que je sache me tenir devant une salle comble et fixée sur moi sans défaillir.

Elle changea habillement de sujet.

- Et je serais ravie de partager un petit quelque chose avec toi. Il y a un marchant ambulant à l'entrée du parc. Il vend des crêpes et des gaufres. Ainsi que des glaces ! On y va ?

Je hochais la tête ravie qu’elle ait accepté alors que la gêne se dissipait lentement. De bonne humeur soudain je sentais par derrière la rumeur du parc sous le soleil. J’étais bien tout à coup. Le camion sentait bon l’interdit pour moi. Mais depuis que je n’étais plus au conservatoire et que ma mère n’insistait plus pour que je monte tous les soirs sur la balance, j’étais libre de manger ce que je voulais.

- Je suis bien tentée par une gaufre au Nutella ! J'en ai pas mangé depuis que je suis gamine. Et toi, qu'est-ce qui te tente ?

Je lui fis un large sourire.

-Moi je pense que je vais manger une crêpe, au Nutella aussi. Je ne me souviens pas la dernière fois que j’en ai mangé une sincèrement.

Dans son camion, le marchant ambulant nous adressa lui aussi un sourire et commença à préparer tout ça. Je le regardais faire, sentant que tout cela lui faisait presque autant plaisir qu’à nous. Je payais la gaufre de Jeyne avant qu’elle ne puisse dire un mot puis regardais ma crêpe avec un air gourment. J’avisais un banc vide et nous nous dirigeâmes vers lui. Je cherchais quelque chose à dire, un peu distraitement, quelque chose neutre pour engager une conversation paisible comme je n’avais plus l’habitude d’en avoir. Mais je ne trouvais rien à dire, alors au lieu de cela, je me contentais d'attaquer ma crêpe avec un sourire.

/ Voilà voilà.. j'ai un peu fait avancé donc si il y a des choses que tu veux changer dis moi./
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyVen 7 Fév - 8:59

Lyra m'avait expliqué la nature de son don, mais j'avais un peu de mal à saisir pourquoi le fait être en ma compagnie l'aidait à mieux gérer les émotions qu'elle percevait.

- On va dire que… Quand je suis en présence de quelqu’un, mon don se tourne vers cette personne en quelque sorte. Donc je ne suis plus obligée de supporter toute la foule. Mais tout ça... je ne le maîtrise pas vraiment en fait. Au début j’étais confrontée à la foule tout le temps. J’imagine que mon esprit a trouvé ce moyen de m’assurer un minimum de… sécurité.

Je pris la peine de réfléchir une minute.

- Un peu comme un paratonnerre. Ton don se focalise sur une seule personne plutôt que de s'éparpiller dans la foule.

Ce qui voulait dire, que depuis tout à l'heure, son don était focalisé sur moi, sur mes émotions. Sans forcément le vouloir puisqu'elle m'avait dit ne pas contrôler le phénomène, mais tout de même. Elle devait, en ce moment même, ressentir ma curiosité à ce sujet et le léger malaise à l'idée qu'elle puisse voir si facilement en moi. Je savais que ça n'était pas sa faute, mais ça ne m'empêchait pas de me sentir étrangement vulnérable devant elle.

Déviant légèrement la conversation, je lui parlais de mon don.

-Mais si, ça doit être magnifique ! protesta-t-elle lorsque je marmonnai que ce n'était pas grand chose.

Sa réaction me surprit, et me fit plus de bien que je ne l'aurais cru. J'avais toujours considéré que mon don était des plus inutiles, et jusqu'à il y a peu, il ne m'avait jamais apporté que des ennuis. Mes parents avaient toujours du mal à en parler, même si nous étions plus proches qu'avant. Billy avait trouvé ça "amusant" mais sans plus. Idem pour McKnight, même si je l'avais mis au défi de trouver une application utile de mon don - je n'avais d'ailleurs aucune nouvelle à ce sujet, ce qui en disait long. Quand à Luke... j'évitai soigneusement le sujet en sa présence. Car ce que j'aimais quand j'étais avec lui, c'est que j'avais enfin l'impression d'être "normale".

Lyra était la première à trouver ça "fantastique". Et elle était sincère. Ca me fit chaud au cœur. Bien plus que les beaux discours de McKnight ou l'air protecteur de Billy.

Définitivement plus à l'aise en sa présence, je lui proposai d'aller faire un tour près du vendeur ambulant à l'entrée du parc. Je choisis une gaufre et elle une crêpe. Les deux étant au Nutella, évidemment. Notre "goûter" en main, nous nous installâmes sur un banc et mangeâmes un moment en silence.

- Je ne me rappelle pas t'avoir déjà vue au lycée de la ville. Tu es dans quelle classe ? Ah, mais tu es peut-être dans un établissement privé ?

Il n'y avait qu'un seul lycée public à Daytona qui, associé à l'université, formait un assez grand complexe scolaire. Tous les jeunes d'une même tranche d'âge s'y retrouvaient et se connaissaient, au moins "de vue". Hormis ceux qui fréquentaient des écoles privées... ou l'Academy.
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptySam 8 Fév - 15:26

Évidement il avait fallu qu’elle pose la question de savoir pourquoi il était plus facile pour moi d’être avec elle que seule. J’y avais répondu avec toute la sincérité dont j’étais capable mais je n’aimais pas ça. A la limite j’aurais pu me fendre d’un compliment sur la structure de son esprit, plus solide que la mienne. En même temps tous les esprits étaient plus solides que le mien sauf peut-être celui du fou de la Marina. Et puis le résultat était le même, dans tous les cas cela voulait dire que malgré moi, j’avais un œil sur ce que ressentait la personne à qui je m’adressais, que je pouvais me représenter tous ses états d’esprits.

- Un peu comme un paratonnerre. Ton don se focalise sur une seule personne plutôt que de s'éparpiller dans la foule.

J’avais sentit le malaise poindre en elle comme elle me parlait. J’hésitais un moment sur quoi répondre, brûlée par son regard autant qu’elle l’était par le mien. Lui dire que je ne voyais rien de déplaisant si ce n’était son embarras ? La supplier de ne pas m’en vouloir parce que ce n’était pas de ma faute ? Non après tout, je savais très bien qu’elle n’en avait pas après moi malgré mon intrusion forcée. Vraiment, je détestais cette situation alors je me contentais de répondre.

- C’est ça…

Je saisis donc la première occasion venue de la complimenter sur son don, d’une part pour dissoudre le malaise et d’autre part parce que j’étais sincère. Ces origamis vivants devaient être vraiment beaux mais je n’osais pas vraiment réclamer une démonstration. Finalement elle accepta ma proposition de manger quelque chose et nous nous retrouvâmes assises sur un banc avec dans les mains elle une gaufre et moi une crêpe, au Nutella évidemment, nous attaquâmes en silence pendant que je cherchais quoi dire, mais elle me devança.

- Je ne me rappelle pas t'avoir déjà vue au lycée de la ville. Tu es dans quelle classe ? Ah, mais tu es peut-être dans un établissement privé ?

Je retins presque un soupir, c’était encore une question difficile pour moi.

-C’est peut-être parce que je n’ai jamais mis les pieds dans un lycée. J’ai eu l’école à domicile jusqu’à ce que j’entre au conservatoire cette année…

Je voulus couper court et je me refusais à dire que j’avais été exclue quand mon père avait découvert ma possible condition, que tout cela s’était soldé par de la violence sur ma mère, mère qui était sans doute présentement sur le canapé du salon, toute habillée pour aller travailler, le regard rivé sur le mur devant elle.

-Enfin…maintenant je prend des cours de psycho par correspondance.

Après tout, je ne voulais pas occuper le centre de la conversation.

- Tu es toujours au lycée toi ? Tu as quel âge ?
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyMar 11 Fév - 19:38

J'avais demandé à Lyra si elle fréquentait le lycée public de Daytona ou si elle était dans un établissement privé. La question sembla la mettre mal à l'aise. Avais-je abordé un sujet sensible sans le savoir ?

- C’est peut-être parce que je n’ai jamais mis les pieds dans un lycée. J’ai eu l’école à domicile jusqu’à ce que j’entre au conservatoire cette année…

Le conservatoire, carrément ? J'avais entendu dire qu'ils étaient très sélectifs dans le choix des élèves. D'un autre côté, ça ne me surprenait pas tellement que Lyra y ait été admise. C'était peut-être juste un à-priori, mais elle avait un petit côté artiste. Seulement... C'était bel et bien un sujet sensible, à voir la façon dont elle baissait les yeux, les intonations de sa voix. Elle n'aimait pas mentionner cette partie de sa vie. Pourquoi ? Avait-elle eu un problème au Conservatoire ? A cause de son don, peut-être... elle avait avoué redouter la foule à cause de son empathie. Chose que je pouvais comprendre...

- Enfin…maintenant je prend des cours de psycho par correspondance.

Psycho ? J'avais vaguement imaginé aller dans cette branche, moi aussi, mais le nombre d'année d'étude m'en avait dissuadé. Flemme quand tu nous tiens !

- Tu es toujours au lycée toi ? Tu as quel âge ?
- J'ai 17 ans. C'est ma dernière année au lycée... et j'ai pas la moindre idée de ce que je vais faire après !

J'eus un petit rire.

- J'ai fait plusieurs dossiers d'inscription : botanique, littérature, droit... Et, comment dire ? Je ne sais pas trop ce que je veux. Je m'imagine bien dans chacune de ces alternatives, mais j'ai pas de déclic. Parfois, j'aimerais avoir, je sais pas, une illumination, et me dire "c'est ça que je veux faire !". Parce que là... bah, je patauge dans le brouillard !

J'eus un sourire un peu amer. Pourtant, étrangement, ça ne m'angoissait pas tant que ça de ne pas savoir où je serais à la prochaine rentrée scolaire - autrement dit, dans quelques mois... On pouvait dire que c'était secondaire fac à mes problèmes avec Sébastian. Si je paniquai pour mon avenir, en plus de me prendre la tête avec mon statut de mutante, bah, je serais devenue folle depuis belle lurette sans doute.

- Mais ça doit être intéressant, la psycho. ça te plait ?

Bizarrement ce cursus lui correspondait. Ou plutôt, correspondait à son don, à la réflexion.

- Et toi, tu as quel âge ?
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyMer 12 Fév - 20:40

Apparemment je m’en étais tirée sur les questions gênantes. J’avais expliqué que j’avais fait l’école à domicile, que je n’étais plus au conservatoire et ce sans aborder de choses trop douloureuses pour moi. Après tout si je voulais nouer des liens, rencontrer des gens, il valait mieux éviter de trop se plaindre. Fort heureusement personne ne pouvait lire mes émotions dans ma tête et du même coup je réalisais à quel point cela devait être compliqué pour les autres.

Mais finalement tout ceci ressemblait presque à une conversation normale pour une fois, la crêpe au Nutella aidant je trouvais ça agréable alors je lui demandais si elle était au lycée.

- J'ai 17 ans. C'est ma dernière année au lycée... et j'ai pas la moindre idée de ce que je vais faire après !

Je fus assez étonnée de l’entendre rire comme je constatais le peu de souci qu’elle avait de tout cela. Moi j’avais été tétanisée et quittant le conservatoire, me demandant ce que j’allais devenir. Il fallait croire que finalement on pouvait gérer ça avec beaucoup plus de décontraction.

- J'ai fait plusieurs dossiers d'inscription : botanique, littérature, droit... Et, comment dire ? Je ne sais pas trop ce que je veux. Je m'imagine bien dans chacune de ces alternatives, mais j'ai pas de déclic. Parfois, j'aimerais avoir, je sais pas, une illumination, et me dire "c'est ça que je veux faire !". Parce que là... bah, je patauge dans le brouillard !

En tout l’écoutant je me disais qu’elle devait avoir eu d’autres soucis que son orientation ces derniers temps.

-Tu as des goûts variés c’est bien, commentais-je pas très sûre de moi. Après tu peux essayer plusieurs choses tu es jeune…

Elle poursuivit :

- Mais ça doit être intéressant, la psycho. ça te plait ?

Je lui souris. Je voulais bien parler de mon don si c’était pour dire comment je m’en sortais.

-Oui ça l’est. Ça m’aide un peu à comprendre ce qui se passe dans ma tête par moment.


Certaines notions me parlaient plus que d’autres. Les mécanismes de défenses par exemple étaient quelque chose que j’avais la sensation d’observer très littéralement. Certaines autres choses me paraissaient moins pertinentes, voire folles, mais globalement tout cela était utile. Je poursuivis avec une pensée pour McKnight.

-Je pense que peut-être je pourrais me servir de mes dons pour faire quelque chose d’utile même si je ne sais pas encore quoi exactement.

J’eus une sorte de soupire. Pour l’instant je n’avais aucune idée de ce à quoi tout ceci pouvait servir. J’espérais qu’un jour je serais capable d’agir sur les émotions des autres et plus seulement les observer, pouvoir faire quelque chose pour apaiser la souffrance.

-Et toi tu as quel âge ? me demanda-t-elle encore.

-J’ai 18 ans, répondis-je en achevant ma crêpe, on a presque le même âge en fait.

Je laissais un moment de silence, puis poursuivit un peu hésitante.

-En tout cas… ça me fait plaisir de te rencontrer….enfin, même si j’aurais aimé que ce soit dans d’autres circonstances.

J’avais éprouvé l’étrange besoin de dire cela. Je ne savais pas vraiment ce qui se faisait ou non en matière de relation sociale alors je préférais être claire, quitte à sembler… un peu ridicule.
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 17 Fév - 12:39

-Tu as des goûts variés c’est bien. Après tu peux essayer plusieurs choses tu es jeune…

Je retins un sourire. Elle avait parfois une façon étrange de s'exprimer, comme si elle était beaucoup plus âgée que moi alors que nous devions avoir le même âge. Elle avait fait un peu pareil avec Sébastian. C'était peut-être lié à son pouvoir.

J'enchaînais en lui demandant si le cursus qu'elle s'était choisi lui plaisait.

-Oui ça l’est. Ça m’aide un peu à comprendre ce qui se passe dans ma tête par moment. Je pense que peut-être je pourrais me servir de mes dons pour faire quelque chose d’utile même si je ne sais pas encore quoi exactement.

C'est vrai que son don à elle pouvait avoir une utilité. Si elle s'entraînait suffisamment, j'imagine qu'elle pourrait être capable d'aider les gens à mieux comprendre et gérer leurs émotions. Devenir psy allait dans ce sens.

- Je suis sûre que tu y arriveras.

Elle avait de la chance, mon don à moi ne servait strictement à rien.
Changeant de sujet, je lui demandai son âge.

-J’ai 18 ans, répondit-elle en achevant sa crêpe, on a presque le même âge en fait.
- Oui, c'est vrai.

Elle hésita un moment avant de reprendre.

-En tout cas… ça me fait plaisir de te rencontrer….enfin, même si j’aurais aimé que ce soit dans d’autres circonstances.

Je souris.

- Moi aussi, je suis contente de te rencontrer...

Cela me faisait du bien de rencontrer des gens comme moi. Elle me ressemblait, pas parce qu'elle était une mutante, mais parce qu'elle avait autant de mal ou presque que moi à l'accepter. Je me rendais compte que je n'étais pas seule, que je n'étais pas une quantité négligeable.

- Quand aux circonstances...

Mon sourire faiblit un peu mais je haussai les épaules.

- Elles ne sont pas si mauvaises que ça, tu sais... Ce... - je déglutis difficilement – ça fait des années que Sébastian m'humilie dès qu'il en a l'occasion. Depuis quelques temps, ça s'était aggravé, c'est vrai. Il commençait à devenir violent, cruel... C'était plus seulement un jeu d'adolescent un peu stupide, ça devenait mauvais...

J'inspirai un grand coup.

- Mais t'avoir rencontré, ça m'a fait prendre conscience que Séb n'avait pas le droit de faire peur. Pour la première fois, je lui ai résisté, vraiment. Je me suis défendue. Et je sais qu'à présent, je ne me laisserait plus faire. Alors tu vois... Si les circonstances de notre rencontre paraissent un peu difficiles au premier abord, en fait, elles ne sont pas si mauvaises que ça.
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 17 Fév - 20:49

J’avais parlé à Jeyne de mes études de psychologie et de mon désir de faire quelque chose d’utile avec mon don. Sa réponse me surprit vraiment.

- Je suis sûre que tu vas y arriver.

Je m’étais tournée vers elle, un peu surprise. Je sentais qu’elle ne mentait pas, qu’elle ne le disait pas seulement pour être polie. J’étais d’avantage habituée à ce qu’on me dise que je n’arriverais jamais à rien dans la vie. On me l’avait tellement répété que finalement je finissais pas y croire. Dans les yeux de ma famille j’avais toujours été l’erreur, celle qu’il faut cacher, celle pour qui il n’y a que peu d’espoir, l’incompétente, l’imparfaite. Je fis alors un grand sourire à Jeyne et répondis pas très sûre de moi :

-Euh je… il faudrait déjà que j’arrive à mettre un pied à la fac pour ça…

Nous changeâmes de sujet et je finis par lui dire que j’étais très heureuse d’avoir fait sa connaissance même si j’aurais aimé que Sébastian n’ai rien à voir la dedans. J’étais un peu mal à l’aise mais elle me sourit à son tour.

- Moi aussi je suis contente de te rencontrer.

Je lui souris en retour, sans savoir trop quoi ajouter. Apparemment ma remarque ne l’avait pas surprise, alors j’avais sans doute bien fait de lui livrer le fond de ma pensée en réalité. Je n’eus pas besoin de sortir de mon mutisme car elle reprit :

-Quand aux circonstances… Elles ne sont pas si mauvaises que ça, tu sais... Ce... ça fait des années que Sébastian m'humilie dès qu'il en a l'occasion. Depuis quelques temps, ça s'était aggravé, c'est vrai. Il commençait à devenir violent, cruel... C'était plus seulement un jeu d'adolescent un peu stupide, ça devenait mauvais...


Alors qu’elle parlait je sentais la honte poindre en elle et cela me révoltait. Des années… des années à être humiliée, au fond je savais de quoi il retournait. Il n’y avait pas de quoi se sentir coupable. C’était le propre d’être une victime au fond on n’y était pour rien. Dire cela était difficile pour elle je le sentais. C’était comme si elle éprouvait le besoin de me faire sa confession. Elle inspira profondément avant de répondre.

-Mais t'avoir rencontré, ça m'a fait prendre conscience que Séb n'avait pas le droit de faire peur. Pour la première fois, je lui ai résisté, vraiment. Je me suis défendue. Et je sais qu'à présent, je ne me laisserais plus faire. Alors tu vois... Si les circonstances de notre rencontre paraissent un peu difficiles au premier abord, en fait, elles ne sont pas si mauvaises que ça.

Tout s’éclaira subitement dans mon esprit. C’était donc pour ça, qu’elle était reconnaissante, parce que je lui avais fait comprendre qu’elle avait le droit de se défendre en m’interposant. Incroyable comme il ne fallait parfois pas grand chose pour tout changer. Au fond, c’était grâce à mon don si nous nous étions rencontrés. Parce que contrairement aux gens qui déambulait dans le parc en se demandant ce qu’elle avait à courir comme ça, je savais ce qui se passait pour elle. Finalement, il semblait que cela serve à quelque chose. C’était un des plus larges sourires de ma vie, il fallait dire que je n’avais que peu l’occasion d’en faire.

-Oui tu as raison tu as le droit de résister. Il n’y a rien qui justifie ce qu’il ta fait subir pendant tout ce temps. En plus c’est bon pour toi évidemment parce que ça a du être terrible, mais c’est aussi bon pour lui, que tu ne te laisses pas faire, tu sais ?

J’essayais de dissimuler un peu la rougeur sur mes joues.

-Enfin, dans tous les cas, je suis plus que ravie d’avoir pu être utile.

Je manquais d’ajouter « Pour une fois » mais me ravisais.
Revenir en haut Aller en bas
Jeyne E. Swann
Jeyne E. Swann


Messages : 140
Date d'inscription : 22/04/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyLun 24 Fév - 13:45

Je m'étais efforcée d'expliquer à Lyra que les circonstances de notre récente rencontre, si elles étaient difficiles, n'étaient pas si mauvaises que ça. Car aujourd'hui, j'avais compris que je n'avais pas le droit de me laisser martyriser par Sébastian. Je devais me défendre. Et c'était grâce à elle que je l'avais compris. Elle dut comprendre où je voulais en venir car un large sourire vint éclairer son visage.

- Oui tu as raison tu as le droit de résister. Il n’y a rien qui justifie ce qu’il ta fait subir pendant tout ce temps. En plus c’est bon pour toi évidemment parce que ça a du être terrible, mais c’est aussi bon pour lui, que tu ne te laisses pas faire, tu sais ?

Je tiquai un peu sur la fin de sa phrase avant de me rappeler ce qu'elle m'avait déjà dit au sujet de Sébastian. De la souffrance qu'il gardait tout au fond de lui. Du masque qui cachait un masque. Dans ces circonstances, lui résister serait comme... détruire le masque. Tous ses masques. Puisque je refusai de jouer le rôle de la victime, le rôle de bourreau qu'il s'était attribué volait en éclats... Enfin, ce n'était certainement pas si simple que ça, mais c'était l'idée générale que je me faisais de la question.

- Oui... Je suppose que tu as raison. J'ai encore du mal à appréhender les choses de cette façon, mais oui, tu as sans doute raison...

J'avais encore de Sébastian une image de tyran. Il me faudrait sans doute du temps avant de parvenir à le voir réellement pour ce qu'il était. Même si je n'ai jamais aimé les préjugés, ils sont parfois inscrit dans la nature humaine et ils ont la peau dure.

- Enfin, dans tous les cas, je suis plus que ravie d’avoir pu être utile.
- Et moi donc !

J'eus un petit rire, léger et doux.

- J'ai l'impression de prendre un nouveau départ. Et je me sens enfin capable de tenir la promesse que j'ai faite à McKnight : celle de ne plus me laisser faire.

Je m'adossai contre le dossier du banc et m'étirai.

- C'est une belle journée, soufflai-je, autant pour moi-même que pour Lyra. Tu as des trucs de prévu cet après-midi ? On pourrait... je sais pas... aller se balader sur la plage ou un truc comme ça...

Ce n'était pas vraiment dans mes habitudes de proposer des trucs comme ça à une inconnue, mais je ne sais pas... J'avais envie que cet instant, là, se poursuive encore un peu.
Revenir en haut Aller en bas
Lyra L. James
Lyra L. James


Messages : 141
Date d'inscription : 12/05/2013

Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite EmptyMer 26 Fév - 20:38

Jeyne m’expliquait qu’elle était heureuse de m’avoir rencontrée parce que je lui avais permis de comprendre qu’elle avait le droit de tenir tête à Sébastian. Pour la première fois dans ma vie je me sentais utile vraiment. J’avais servi à quelque chose, parce qu’avec mon don, j’avais senti quelque chose, et je m’y étais opposée. J’avais fait quelque chose de vraiment bien. Je lui expliquais donc que c’était bien pour eux deux qu’elle ait pu s’opposer à lui.

- Oui... Je suppose que tu as raison. J'ai encore du mal à appréhender les choses de cette façon, mais oui, tu as sans doute raison...

Encore une fois je comprenais que cela soit difficile pour elle. Alors je me contentais de dire.

-Oui… je pense que c’est normal… Je comprends.


Nous changeâmes de sujet partageant notre satisfaction de nous être rencontrés l’une l’autre alors que je sentais ma joie croître en même temps que la sienne. Il faisait beau, tout était calme au dehors. Pour la première fois depuis longtemps je me sentais en pleine possession de mes moyens. Je n’avais plus peur d’être maladroite ou d’avoir un mot de travers. Je ne craignais plus de me rendre ridicule. En même temps que j’avais offert à Jeyne le droit de se défendre, elle m’apprenait que ma propre nature n’était pas indigne. Même si je peinais encore à le croire vraiment.

- J'ai l'impression de prendre un nouveau départ. Et je me sens enfin capable de tenir la promesse que j'ai faite à McKnight : celle de ne plus me laisser faire, ajouta-t-elle soudain.

Je lui souris parce que quelque chose était en train de se modifier dans les profondeurs de son esprit. Ce qu’elle venait de dire me semblait d’autant plus vrai. La puanteur était chassée par l’air frais et il n’y avait plus rien à cacher. J’aurais voulu pouvoir en faire autant. Sans doute que cela prendrait du temps. Beaucoup de temps. Mais voir ce miracle se produire dans l’esprit d’autrui était déjà encourageant.

- Oui... je crois que c’est le cas. Je sens que tu vas pouvoir vraiment faire ça maintenant, je veux dire, avec tes tripes, pour de vrai.

Je lui souris de nouveau.

-Moi je lui ais dit que j’allais essayer de faire quelque chose de ma vie… mais je verrais bien… Une chose après l’autre.

Soudain elle s’étira souriant encore plus largement. C’était rare de voir des gens à ce point cohérents, qui se comportaient exactement comme le fond de leur esprit le laissait prévoir, elle était tout entière tout à coup, sans façade, décontractée.

-C’est une belle journée, souffla-t-elle encore et je ne pouvais qu’être d’accord avec elle. La météo était belle, dans le ciel et dans l’esprit confus de la foule, d’une façon générale au moins. Elle reprit :

- Tu as des trucs de prévu cet après-midi ? On pourrait... je sais pas... aller se balader sur la plage ou un truc comme ça...


Peut-être au fond... peut-être qu’aujourd’hui était un jour où je pourrais me promener sur la plage, juste comme ça, sans que cela ne nécessite une énorme concentration, sans que cela soit un défit. Cet espoir nouveau en elle me ferait un bon bouclier sans doute, alors je chassais les images de ma mère immobile sur le canapé. Je ne pouvais rien faire pour elle… pour l’instant.

-Euh… non je n'ai rien de prévu…l’avantage de la fac par correspondance c’est que je décide quand je suis les cours.  La plage ça m’a l’air bien par ce temps.


/ HJ: Tu as une idée spécifique ou?
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Course Poursuite Empty
MessageSujet: Re: Course Poursuite   Course Poursuite Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

Course Poursuite

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Projet Chimère :: 
Daytona Beach
 :: Espace public :: Le Parc
-