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 Perdue dans un monde teinté d'émotions...

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Lyra L. James
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MessageSujet: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyJeu 16 Mai - 14:48

Ce parc… C’était le même parc, le même où j’avais redécouvert la vie, celui où je jouais parfois quand j’étais très petite avant que tout cela ne commence, depuis que mes parents avaient démangé en Floride.

Pourtant j’avais l’impression de traverser un lieu complètement différent. J’avais pris conscience d’être une mutante juste quelques dizaines de minute avant. Et je sentais venir sur moi comme une vague, un orage, un tsunami de sensations vives et indistinctes qui m’écorchaient comme des flocons lorsqu’il fait très froid les jours de grand vent. Je peinais à marcher, à regarder devant moi. J’étais envahie.

Je prenais conscience que la ville vivait tout autour de moi. Combien de milliers de gens je pouvais sentir être dans un marasme flou, combien de milliers d’esprits que je percevais bouillonnants sous mon crâne ? Combien de ces êtres qui vivaient à l’intérieur de moi, et qui eux n’avaient même pas conscience de mon existence ?

J’inspirais un grand coup et le tourbillon se calma un peu. Il faisait nuit, le parc était désert, j’étais seule. Complètement seule. Je résolu de m’asseoir parce que mes jambes se dérobaient sous moi à cause de l’angoisse. Il y avait là un banc, éclairé par la lumière étrange d’un lampadaire. Qu’est ce que je pouvais faire maintenant que j’étais partie ? J’avais eu la présence d’esprit d’emporter quelques affaires. Il me restait un peu d’argent sur mon compte… du moins jusqu’à ce que mon père ne me le retire, qu’il me coupe les vivres. J’avais toujours été élevée dans le luxe le confort, on s’était toujours occupée de ces choses là à ma place, étant donné que personne ne m’en estimait capable. J’aurais du penser à tout cela avant de partir de la maison, vraiment, j’avais été comme d’habitude, irréfléchie, agissant sous le coup de la peur.

A mesure que l’angoisse croissait l’esprit des autres enflait en moi à nouveau, me lançant leurs cris incompréhensibles. J’étais assise là, complètement désespérée et je ne pouvais même pas penser rassembler mon esprit que leur force balayait au quatre vents. En réalité, je ne savais plus comment je me sentais.

« Lyra ! Lyra ! Non mais ça va pas ? Tu es folle ? »

Mon frère. Mon frère arrivait en courant derrière moi. Encore une fois j’avais été incroyablement stupide. Ce n’était pas parce que j’étais dans le parc qui se situait à quelques minutes de chez moi que personne ne me retrouverait. Il avait comme toujours l’allure fière, il était propre sur lui, même après avoir couru. Il n’avait pas peur, il n’était pas surpris et encore moins ému. Je sentais juste l’habituelle tristesse où j’avais grandi flotter autour de lui comme halo déprimant. Il affichait une colère qui à mes yeux sonnait faux.

« Qu’est ce qui t’a pris de partir comme ça encore hein ? Tu ne crois pas que tu as passé l’âge de ces gamineries d’adolescente attardée ? »

« Je suis… » articulais-je avec peine. Mais il ne m’écoutait pas. Il attrapa ma main et me tira à lui. La tristesse enfla et m’étouffa brusquement.

« Allez viens ! Tout le monde te cherche ! On t’attend pour le dîner. »

« Je... Je crois que suis une mutante. » parvins-je à achever enfin, avant qu’un torrent de larmes de ruissèle sur mes joues.

Mon frère me lâcha, et sa peur me frappa au visage comme une gifle cinglante. Il ne dit pas un mot. Il lâcha ma main qui retomba mollement contre mon corps, fit quelque pas en arrière, à reculons, la bouche grande ouverte, les yeux fous, puis il fit demi-tour et me laissa là. Seule dans le parc désert.
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Elena K. Shakk
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyLun 20 Mai - 15:34

Je laissai échapper un soupir de lassitude en sortant du Croco Deal. J'étais complètement vannée. Cela devait faire une bonne dizaine d'heures que j'étais au travail, et même s'il restait encore quelques clients retardataires au café-théâtre, Chad m'avait autorisée à rentrer chez moi, assurant qu'il se débrouillerait avec les serveurs pour la fermeture. Bon, d'un autre côté, je ne me plaignais pas non plus de mes horaires. Je savais à quoi m'attendre en devenant chef cuisinière.

Je réajustai ma veste en jean sur mes épaules, réprimant un frisson. C'est qu'on était quand même au beau milieu de la nuit et qu'il faisait frais. Je m'étirai en remontant la rue, faisant craquer mon dos fourbu. Je n'avais qu'une seule envie, plonger tête la première dans mon lit bien douillet. Prenant la direction du Parc - un raccourci pour rentrer chez moi - je m'allumai une clope.

Cela faisait un bout de temps que Chad n'avait pas reparlé de me mettre sur scène pour me faire chanter - au sens littéral, hein. Mon patron ne s'adonnait pas au chantage. Quoique ... il pouvait parfois se montrer fourbe pour obtenir ce qu'il voulait. Bref. Cette accalmie, de sa part, n'augurait rien de bon. Je n'étais pas assez naïve pour croire qu'il se soit décidé à me laisser tranquille. Non. Soit il me laissait un court répit pour me demander quelque chose. Soit il préparait un mauvais coup. Les deux revenant à peu près au même d'ailleurs.

Un maigre sourire déchira mes lèvres. Je râlai beaucoup après Chad quand il me faisait monter sur scène, mais c'était plus par jeu que par désaccord. Si le trac ne me lâchai pas, je savais plus ou moins le maîtriser. Et il faut dire que je commençai à prendre mon pied pendant ces représentations improvisées.

J'arrivai au Parc. Il me fallait encore le traverser pour atteindre mon appartement en bord de mer. Je m'engageai sur le petit chemin caillouteux qui serpentait au milieu de l'étendue d'herbe. Même s'il faisait nuit, je n'avais pas besoin de la lampe de poche que je garde dans mon sac à main. La lune brillait dans le ciel étoilé et les quelques lampadaires disséminés au milieu des arbres suffisaient à éclairer les lieux.

Alors que je dressai mentalement la liste de ce qui me restait dans le frigo - en vue de me faire un en-cas avant de me coucher - des éclats de voix retentirent non loin de moi. Je m'immobilisai, surprise. Il faut dire que ce n'était pas tellement l'heure d'affluence. D'ordinaire je ne croisai jamais personne quand je rentrais aussi tard le soir. L'idée d'un psychopathe kidnappeur de jeunes femmes égarées me traversa fugitivement l'esprit.

Plissant les yeux, je repérai deux silhouettes, en pleine dispute apparemment. Mais je ne pouvais pas entendre ce qu'ils se disaient. Finalement l'une de ces personnes, un jeune homme, fit volte-face et passa près de moi sans même me remarquer. Son visage était déformé par la peur. On aurait dit qu'il venait de croiser un revenant. De plus en plus intriguée, je m'aperçus que la seconde personne, restée sur place, était une jeune fille, pas si effrayante que ça. Même si elle paraissait assez chamboulée dans le genre.

Je m'approchai doucement.

- Tout va bien ?

Je tirai nonchalamment sur ma cigarette. Elle était jeune, à peine vingt ans, je dirais. Et elle semblait vraiment bouleversée.

- C'est pas vraiment l'heure idéale pour une balade dans le parc ... fis-je avec un sourire.
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Lyra L. James
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyLun 20 Mai - 21:41

-Tout va bien ? fit soudain une voix.

Dans le vacarme de mon esprit elle me parut plus assourdissante encore. Je sursautais. Je constatais presque avec surprise que mon corps était toujours entier, toujours le même. Ma propre peur, mon propre dégoût, le souvenir de la terreur de mon frère, la vie diffuse de tous ces gens c’était plus qu’un réceptacle de chair et de sang ne pouvait en contenir. Décidément j’avais l’impression que je n’allais pas survivre à ça. Une heure encore et je devenais folle c’était certain.

Elle m’observait visiblement, et je peinais à me concentrer sur son visage à travers la fureur, mais je m’y forçais. Après tout, j’étais convaincue sans savoir pourquoi que cette personne cherchait plus ou moins à m’aider. Si c’était mon don qui me disait cela c’était mauvais signe. Parce que cela voulait dire que j’avais lu dans son esprit sans son consentement. Cela me paraissait d’une monstruosité sans nom, comme un viol de la pensée, pire, des sentiments. Je baissais le regard, faisant encore un pas en arrière mais lentement son calme m’envahissait chassant au loin le mélange confus de mes émotions, et de celles des autres. Je réalisais alors que je connaissais cette impression. C’était un peu la même que celle que me renvoyait cet invité de mon père qui venait de se marier. C’était l’aura des gens biens dans leur tête, droits dans leurs bottes. Mon cœur battait toujours la chamade, je me haïssais moi-même pour ce que j’étais à présent, j’avais peur de tous les autres qui me haïraient bientôt, mais à ses côtés, la vie semblait possible, autre chose qu’un fardeau qu’il faut sans cesse trainer derrière soi. Je finis par lever les yeux et je parvins avec peine à esquisser une sorte de sourire, mal à l’aise de profiter ainsi de la chaleur de son esprit, comme un immonde parasite.

-C’est pas vraiment l’heure idéale pour une ballade dans le parc. ajouta-t-elle avec un sourire, comme je ne répondais pas.

Elle était amusée alors j’eus une espèce de rire ridicule, incontrôlable et rauque à travers mes larmes. Mes joues se mirent à rougir au point que j’étais heureuse qu’il fasse si sombre. J’espérais qu’elle ne verrait pas les cicatrices sur mes bras. Combien de temps depuis la dernière fois que j’avais adressé la parole à quelqu’un d’autre que ma famille, ou les professeurs du conservatoire ?

-Oui, oui je sais… parvins-je à répondre. Si elle voulait m’aider elle était ma seule chance. Maintenant que mon frère savait il n’était pas question de rentrer chez moi. Il fallait lui parler, mais cela fit remonter à la surface la violence de mon angoisse et de ma peur. Lamentablement je bégayais.

-En fait j’ai des ennuis, je suis…je suis partie de chez moi…je… je peux pas y retourner, je sais pas quoi faire… je crois que je vais…

Je pris une minute pour respirer, chasser les esprits des autres qui montaient de nouveau dans ma tête et me concentrer sur le sien, tellement plus calme. Si c’était ça dans un parc désert, je n’osais penser à ce à quoi ressemblerait la vie en plein jour maintenant que mon don s’était subitement réveillé, incontrôlable comme une tornade ondoyant en tout sens.

-Je suis désolée… j’ai du mal à parler. Mais s’il vous plait… aidez-moi. parvins-je à achever dans un souffle.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMar 21 Mai - 19:18

La jeune fille sursauta lorsque je parlais. Elle paraissait complètement perdue, déboussolée. Lorsqu'enfin elle parvint à poser son regard sur moi, elle recula d'un pas ou deux, se réfugiant dans les ombres sinueuses du parc. Elle était complètement paniquée, mais finit cependant par se calmer un peu, et réussit à relever les yeux. Elle eut un sourire maladroit.

- C’est pas vraiment l’heure idéale pour une ballade dans le parc,
fis-je avec un sourire, pour la rassurer.

Ce qui fonctionna, en partie seulement. Elle laissa échapper un rire nerveux, qui résonna de façon assez étrange dans le silence du parc.

- Oui, oui, je sais … marmonna-t-elle, visiblement mal à l'aise.

Elle reprit, d'un ton rapide et haché.

- En fait j'ai des ennuis, je suis... je suis partie de chez moi... je... je peux pas y retourner, je sais pas quoi faire... je crois que je vais...

Elle s'interrompit brusquement, à court d'air. Une fugueuse... songeai-je en fronçant les sourcils. Fantastique. En tout cas, elle sentait les problèmes à plein nez. Mais je n'allais pas la laisser seule pour autant. Au cours de mes voyages, j'avais rencontré quantité de personnes, et j'avais également appris qu'une main tendue pouvait être un cadeau du ciel. Et ça semblait être le cas pour cette fille.

- Je suis désolée... j'ai du mal à parler. Mais s'il vous plait... aidez-moi, fit-elle dans un souffle.

Mais c'est qu'elle allait finir par me faire une vraie crise de panique, la petite.

- Hey, du calme. Tout va bien, lui dis-je en souriant. Je crois que pour commencer, tu as besoin d'un bon chocolat chaud...

Elle frissonnait, mais pas sûr que ce soit à cause du froid.

- Je m'appelle Elena Shakk. Mais tu peux m'appeler Ellie si tu veux, précisai-je avec un clin d'œil amical. Et toi, comment tu t'appelles ?

Je la pris doucement par le bras, histoire de ne pas trop la brusquer. J'avais l'impression qu'elle était comme une bombe à retardement. Prête à exploser à tout moment.

- Sans vouloir me vanter, je fais les meilleurs chocolat chaud de tout Daytona Beach. Je t'invite. Mon appartement est à deux minutes d'ici. Ça te dis ?

J'allais pas la forcer non plus. Manquerait plus qu'on m'accuse de kidnapping. Surtout si elle était encore mineure. Je chassai ces pensées. Mineure ou pas, j'allais pas la laisser dans le parc dans cet état. C'était pas forcément dans mes habitudes, de ramener des gens comme ça chez moi, mais à cette heure là, y'avait plus grand chose d'ouvert. Même le Croco Deal avait du finir par fermer.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMer 22 Mai - 14:17

Je me forçais à respirer de nouveau. J’avais parlé elle avait compris. A nouveau je me fermais au monde extérieur avec toute la force de ma volonté. Dans le même temps j’étais irrémédiablement attirée vers son esprit à elle et je me calmais. C’était peut-être immoral mais il valait sans doute mieux ça, que de faire une véritable crise de panique. Je me sentais mal d’être ainsi placée directement dans son intimité.

-Hey, du calme. Tout va bien, dit-elle en souriant encore. Je crois que pour commencer, tu as besoin d'un bon chocolat chaud...

L’idée me paraissait séduisante. D’une part parce que j’adorais le chocolat chaud. Ensuite parce que cela voulait dire que pendant tout ce temps je pourrais me servir de son esprit comme écran au monde extérieur et à ma propre peine, en attendant que je puisse apprendre à maîtriser tout cela. Je commençais à sourire moi aussi à travers mes larmes. Quelqu’un était en train de me venir en aide. Après tout quand j’y pensais, c’était la toute première fois qu’on cherchait à me venir en aide. Si on exceptait les chocs électriques et les médicaments. En même temps j’étais remplie de joie, et en même temps j’avais le cœur déchiré.

-J’adore le chocolat, me contentais-je de répondre d’un air maladroit. Je me sentais un peu mieux. J’avais repris le contrôle sur mon souffle et tout ce qui se tramait dans ma tête. Pour combien de temps ?

-Je m'appelle Elena Shakk. Mais tu peux m'appeler Ellie si tu veux, poursuivit-elle avec un air sympathique. Et toi, comment tu t'appelles ?

Voilà qu’elle se présentait à présent. Et moi maintenant comment étais-je sensée me présenter ? Est-ce que j’étais toujours moi, après ça ? Est-ce mon nom voulait toujours dire quelque chose ?

-Je m’appelle Lyra, Lyra James. répondis-je, contente de pouvoir aligner quelques mots convenablement.

Elle me prit le bras et ce geste me surprit. Chez moi on ne se touchait pas. Jamais. Je ne parvenais pas à me souvenir à quand remontait la dernière fois que j’avais senti une peau humaine sur la mienne. J’allais me dégager doucement mais soudain sa joie de vivre m’apparut avec toute sa vivacité et j’en restais un instant muette. C’était la même chose qu’avec mon frère juste avant. Lorsque les gens me touchaient, je plongeais dans leur tête encore d’avantage, je m’y noyais. Je préférais être noyée là que dans le brouhaha des esprits du dehors alors je me laissais faire pas très rassurée tout de même par la force de cette nouvelle sensation. Je priais silencieusement pour qu’il existe un moyen de maîtriser tout cela. Pour ne pas rester ainsi pour le restant de mes jours. Heureusement je me souvenais que j’étais triste. Je n’en trouvais pas trace à cet instant.

-Sans vouloir me vanter, poursuivit-elle je fais les meilleurs chocolats chauds de tout Daytona Beach. Je t'invite. Mon appartement est à deux minutes d'ici. Ça te dis ?

Oh que oui ça me disait. Chez elle ça voulait dire à l’abri, derrière des murs qui je l’espérait tiendrait la fureur à l’écart, ça voulait dire près d’elle et de son esprit rassurant, mais surtout cela voulait dire que cette inconnue me faisait confiance. Mais mon enthousiasme retomba brusquement. C’était le genre de chose que j’aurais pu faire sans penser lorsque j’étais humaine ou plutôt quand j’ignorais que je ne l’étais pas. A présent j’avais ce secret. Ce secret qu’il valait mieux que je dévoile dès à présent. Il n’était pas question de laisser cette personne si amicale faire entrer une mutante chez elle sans le savoir. On pouvait dire que j’étais faible et bonne à rien, ou que j’étais une espèce de monstre. Mais où moins on ne dirait pas de moi que je suis une menteuse.

-Je… j’aimerais beaucoup. Mais avant ça il y a une chose que tu dois savoir.

Je dus à nouveau prendre une grande inspiration parce que l’angoisse remontait par dessous le calme de son esprit. Le dire le rendait vrai, réel je ne pouvais plus le nier maintenant.

-Je crois… je crois que je suis une mutante.

Je l’avais dit c’était fait. Il n’y avait plus qu’à espérer que je sois tombée sur une des quelques rares humains qui n’avaient rien contre les mutants. Ceux que mon père nommait « les traitres. »
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMer 22 Mai - 18:38

La jeune fugueuse eut un sourire maladroit lorsque je lui proposai un bon chocolat chaud, pour se remettre un peu de ses émotions. J'ignorai quel était exactement son problème, mais elle était complètement chamboulée.

- J'adore le chocolat.
- Tout le monde aime le chocolat.

Voilà un langage qui pouvait traverser toutes les frontières. Je me présentai rapidement avant de lui demander son nom.

- Je m'appelle Lyra, Lyra James.
- Oh, j'aime beaucoup ce prénom. C'est joli.

Je souris puis la pris par le bras. Le geste, pourtant anodin, sembla la surprendre et elle parut sur le point de fuir, mais finit par se détendre. Elle devait vraiment être perdue dans ses pensées pour se laisser surprendre de la sorte. D'un ton toujours rassurant, je lui proposais de venir chez moi. J'étais peut-être pas l'Abbé Pierre, mais je n'allais quand même pas la laisser seule ici, au milieu du parc en pleine nuit.

- Je... J'aimerais beaucoup. Mais avant ça il y a une chose que tu dois savoir.

Je fus un brin surprise par son attitude. Elle semblait sur le point d'avouer être responsable de la fin du monde. Ou un truc du genre. Peut-être était-elle poursuivie par les flics ? Ouais bon, j'avais sans doute un peu trop d'imagination.

Lyra inspira un grand coup avant de lâcher :

- Je crois... je crois que je suis une mutante.

On aurait dit qu'elle venait de m'annoncer qu'elle avait la peste, vu sa tête. Avis que je ne partageai pas du tout, bien entendu. Après tout, mon patron lui-même était comme ça.

- Oh, cool ! fis-je en souriant. Tu me feras une démo ? Enfin, si ça te dérange pas...

Je n'allais pas l'y contraindre. Elle n'avait pas l'air d'accepter sa nouvelle « nature ». Je me dis soudain que c'était certainement lié à sa fugue, et à son altercation avec le jeune homme de tout à l'heure. Mais je n'avais pas l'intention de la presser de questions à ce sujet, ça ne ferait que la brusquer et la braquer. Si elle en avait envie ou besoin, elle se confierait tout naturellement. En attendant, j'avais deux chocolat chaud à préparer, moi. Je me demandai fugitivement s'il me restait de la chantilly...

- Allez, viens.

Je lui fis un clin d'œil et, la tenant toujours par le bras, je l'entraînai avec moi. En quelques pas, nous atteignîmes la sortie du parc. Devant le portail, je m'immobilisai le temps d'écraser mon mégot de cigarette contre la semelle de ma chaussure et de le jeter dans une poubelle publique.

- J'habite en bord de mer, expliquai-je en marchant. Mon balcon n'est pas très grand, mais on peut s'y installer sur des transats, avec une bonne couverture et vue sur l'océan.

C'est pour ça que j'aimais autant cet appart'

- J'y passe d'ailleurs pratiquement tout mon temps, ajoutai-je avec un rire.

Bientôt, nous arrivâmes en vue de mon « chez-moi ». Il me fallut farfouiller une bonne demi-minute dans mon sac avant de retrouver mes clefs. C'était un véritable trou sans fond ce truc-là. J'allais finir par y perdre une main dedans. Je réussis finalement à extirper de ce fouillis mon trousseau, laissant échapper une exclamation victorieuse, un brin exagérée. En espérant que ça ne réveillerait pas les voisins. J'ouvris la porte de l'immeuble, et menai Lyra jusqu'au troisième étage.

Mon appartement était assez grand.

La pièce principale se partageait entre un coin salon-salle à manger, et un côté cuisine, délimité par un bar typiquement américain. La décoration était assez simple : un canapé déformé par de multiples traces de fesses - ce qui ne le rendait que plus confortable -, une table basse qui disparaissait sous les magasines, une télé écran plat avec lecteur DVD et tout le bataclan, et une petite bibliothèque qui ployait sous le poids de mes livres de cuisine. Un tapis persan recouvrait le sol en parquet, et ici et là, on retrouvait les traces des voyages qui avaient peuplé la quasi-totalité de ma vie : figurines de bois africaines, encens, bougeoirs asiatiques... Et bien sûr, le mur de la cuisine, entièrement recouvert de photos et de cartes postales du monde entier.

Il y avait deux autres pièces : ma chambre et une petite salle de bains. Plus le balcon, bien sûr. J'étais assez fière de cet appartement, et remerciait mes parents d'avoir mis tant d'argent de côté pour moi, me permettant de me payer un tel bijou.

Je fis entrer Lyra.

- Fais comme chez toi, annonçai en laissant tomber mon sac sur un coin du canapé.

J'ôtai ma veste en jean et me glissai derrière le bar, dans la partie 'cuisine'. Commençant à farfouiller dans mes placards, je lui demandai :

- Tu as faim ? Je crois qu'il me reste des madeleines que j'ai fait hier soir...
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyJeu 23 Mai - 21:07

-Tout le monde aime le chocolat. m’avait-elle répondu alors que je disais adorer ça. Tout le monde l’aimait oui sans doute. Mais ce n’était pas tout le monde qui osait en boire. J’étais ravie parce que chez moi, « chocolat » c’est un gros mot, une chose que boivent les méchants enfants qui deviennent gros. Je me rendais compte en parlant avec cette inconnue que finalement, j’avais plus de points communs avec les gens du dehors, qu’avec ma propre famille. Elle me semblait si sympathique, elle me complimenta même sur mon prénom.

J’avais fini par lui avouer que j’étais une mutante, du bout des lèvres, honteuse. Et j’attendais anxieuse, terrorisée même à l’idée qu’elle me laisse seule ici à me débattre avec mes émotions et celles des autres. Ce qu’elle dit me déconcerta totalement.

-Oh, cool ! Tu me feras une démo ? Enfin, si ça te dérange pas...

Cool ? C’était tout ce que ça lui évoquait ? En plus de cela elle avait sourit. Il me fallut une minute pour rassembler mes esprits déjà bien dispersés et pour comprendre que cette curiosité douce émanait de son esprit. Elle avait dit cela comme si je venais de lui annoncer que j’avais acheté un nouveau vêtement ou que je savais jouer au football. J’étais retournée. Je découvrais que l’on n’était pas obligée de prendre parti. Qu’au fond, j’avais juste un gène en plus ou un gène en moins, c’était tout. Pourtant, la honte ne disparaissait pas.

-En fait…commençais-je désespérée de constater que je me remettais à bégayer comme une gamine, je m’en suis rendu compte juste là, ce soir. Je ne maîtrise rien du tout pour le moment je suis…en fait je crois que je peux sentir les émotions des gens. Et je… je peux te dire qu’il y a beaucoup beaucoup de monde à Daytona Beach. Je n’arrive pas à retrouver mes esprits, à les tenir tous hors de moi.

Sans trouver le courage je l’avais laissé m’entrainer chez elle. Elle avait fouillé longtemps dans son sac, et son exaspération m’avait un peu heurtée. Elle m’avait dit à quel point elle aimait son appartement je comprenais pourquoi. Je n’avais jamais compris l’espèce d’attachement qui pouvait lier les gens avec certains endroits où ils ont passé leur vie. Cela m’était incompréhensible puisque chez moi, tout était froid, impersonnel, tout devait être du dernier goût c’est à dire à celui de ma mère. Mais ce lieu ci en disait long sur sa propriétaire, et même si c’était bien plus petit que chez moi, on s’y sentait déjà milles fois mieux. Je constatais qu’elle avait dû beaucoup voyager en avisant les bibelots mais surtout le mur de la cuisine, entièrement recouverts de photo des quatre coins du monde. Moi pour qui aller dans le parc représentait un défit en soi, je me sentais à la fois honteuse et admirative. Je priais pour qu’elle ne me demande pas si j’avais déjà voyagé.

-Fais comme chez toi. annonça-t-elle.

J’hésitais un instant debout au milieu du salon, les bras gourds. J’étais habituée aux échanges ritualisés. Les invités qui prennent place dans le salon pour l’apéritif à la place que je leur tendais déguisée en servante, puis la maîtresse de maison proposait que l’on passe au salon pour le repas. Finalement je m’assis sur le canapé, sans portant oser m’affaler dedans. Il y avait tellement d’habitudes que je devais perdre. Je commençais que j’étais ce qu’on appelait vulgairement quelqu’un de coincé.

-Tu as faim ? Je crois qu'il me reste des madeleines que j'ai fait hier soir...

Elle me parlait depuis la cuisine, en fouillant dans ses placards. J’étais bien tout à coup. C’était comme si les murs rendaient plus sourd le vacarme émotionnel du dehors. Bientôt la ville finirait par s’endormir, mais elle était toujours là, avec son calme et son espèce de joie diffuse.

-Non merci. répondis-je d’une petite voix. Un chocolat c’était déjà beaucoup. C’était déjà trop. D’ailleurs ses mots sortirent de ma bouche sans que je le veuille.

-ça me fait du bien… Je veux dire… De rencontrer quelqu’un qui est à peu près content de vivre pour une fois. C’est reposant.


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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptySam 25 Mai - 18:58

J'avais raison de penser que Lyra n'assumait pas encore sa position de "mutante". Rien que la façon dont elle me regarda lorsque j'annonçai, sourire aux lèvres, que j'avais très envie de voir une démonstration de son pouvoir, le prouvait. Elle semblait perturbée par ma réaction. Comme si c'était la première fois que quelqu'un réagissait de façon "positive" à l'annonce de son pouvoir. Et lorsqu'elle parla, ce fut en bégayant un peu.

-En fait… je m’en suis rendu compte juste là, ce soir. Je ne maîtrise rien du tout pour le moment je suis…en fait je crois que je peux sentir les émotions des gens. Et je… je peux te dire qu’il y a beaucoup beaucoup de monde à Daytona Beach. Je n’arrive pas à retrouver mes esprits, à les tenir tous hors de moi.

Un don d'empathie. On pouvait pas dire qu'elle soit tombée sur le pouvoir le plus facile à gérer. Il était parfois difficile d'appréhender ses propres sentiments, alors se retrouver confrontée à tous ceux des autres... J'osai à peine imaginer. Elle devait se sentir agressée en permanence, l'horreur. Surtout que j'avais entendu dire que l'empathie était l'un des dons les plus difficiles à contrôler. Pour le coup, je comprenais mieux pourquoi elle avait l'air aussi bouleversée. Elle avait de bonnes raisons de l'être.

- ça doit pas être facile ... dis-je d'une voix douce.

Je finis par conduire Lyra jusque chez moi, et lui indiquai de faire comme chez elle. La jeune fille observait les lieux, bras ballants avant de finir par s'installer sur le canapé. Je sentais bien qu'elle n'était pas à l'aise. Comme si elle n'avait pas l'habitude des liens humains : rendre visite à un ami, plaisanter, passer une soirée entre potes...

Farfouillant dans mes placards, je lui proposai des madeleines. J'en avais faites hier soir et il devait bien m'en rester quelques unes quelque part.

-Non merci. répondit-elle d'une petite voix.

Je hochai la tête pour moi-même, mais sortis quand même la petite boîte où j'avais rangé les madeleines. Moi, j'avais la dalle.

- ça me fait du bien… Je veux dire… De rencontrer quelqu’un qui est à peu près content de vivre pour une fois. C’est reposant.

Je fus tellement surprise que je me figeai, en équilibre précaire sur la pointe des pieds, la main tendue vers les tasses qui reposaient sur l'étagère du haut. Je restai dans cette position burlesque une poignée de secondes, le temps de comprendre tout ce que sous-entendait cette remarque. A l'entendre, elle n'avait jamais connu que des gens tristes et profondément déprimés, et ignorait jusqu'au sens du mot bonheur. Une idée tellement... incongrue que je me demandai, l'espace d'une seconde, si elle ne se foutait pas de ma gueule.

Oh, bien sûr, je savais que la vie n'est pas toujours belle. Le monde, et l'humanité en particulier, possèdent leur part de noirceur, mais j'ai toujours voulu croire, je veux croire qu'il n'y a pas que cela, que ce n'est pas là le plus important. Je veux croire que la joie l'emportera toujours sur le malheur. Je veux y croire. Sincèrement.

Je repris mes esprits et sortis deux tasses du placard. J'ouvrai la bouche pour lui répondre, mais les mots restèrent curieusement bloqués dans ma gorge. J'étais encore trop interloquée. Je renonçai à parler pour le moment et préparai les deux chocolats chauds en silence, n'en revenant toujours pas. Mais qui donc avait pu lui mettre une telle idée en tête ? D'où pouvait-elle bien sortir ?

J'ajoutai une dose généreuse de chantilly sur les deux boissons chaudes, puis amenai les deux tasses et l'assiette de madeleine sur la table basse, trouvant tant bien que mal un peu de place au milieu de l'enchevêtrement de magazines qui la recouvrait. Je tendis sa boisson à Lyra, pris la mienne, et m'installai à côté d'elle.

Dans l'intervalle, j'avais retrouvé l'usage de ma langue :

- Tu sais, la vie est un cadeau. On en a pas toujours conscience et on la laisse souvent nous filer entre les doigts. Mais on a qu'une seule vie. Alors il faut en profiter. A fond. Sans conditions.

Je plantai mon regard dans le sien. Il fallait qu'elle comprenne.

- Ce n'est pas un simple conseil ou une recommandation. C'est pas des paroles en l'air. C'est une obligation : tu dois profiter de la vie. Aimer, rire, hurler, planer, faire des trucs fous quitte à passer pour une dingue. Il faut vivre la vie à fond.
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Lyra L. James
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptySam 25 Mai - 23:04

Cette fille était tout simplement incroyable, un miracle vivant. Elle était heureuse, simplement heureuse, son esprit était vif et lumineux. Elle avait accepté de me conduire chez elle alors qu’elle savait que j’étais une mutante. Elle avait trouvé ça « cool ». Dans le même temps, elle était capable de comprendre en quoi cela était difficile, elle avait compatis à mon malheur. Et elle m’avait offert un chocolat, et proposé des madeleines en plus de cela mais c’était plus que je n’en pouvais accepter. J’aurais sans doute également refusé de mettre un pied chez elle, si j’avais eu le choix, je me serais empêchée de me réfugier dans sa tête. Mais c’était ça ou la folie. Je n’avais pas pu m’empêcher de lui dire un peu, que son esprit était particulier, à quel point ce qu’elle vivait me faisait du bien. Et puis au moins, ce serait le moyen qu’elle sache que pendant qu’elle m’observait innocemment, qu’elle m’apportait son aide et sa gentillesse, je violais l’intimité de ses sentiments.

Elle m’avait écoutée puis s’était figée. Comme troublée tout à coup. Il y eut comme un blanc à l’intérieur de moi, ou d’elle je ne savais pas. Je restais silencieuse moi aussi, attendant la suite avec une sorte d’anxiété terrible. Et si la joie disparaissait d’elle ? Que deviendrais-je moi ? Et puis brusquement j’eu l’impression que je me mettais à brûler, je m’embrasait entière. Pendant quelques secondes je fus incapable de formuler toute pensée cohérente dans mon esprit. Jamais je n’avais vécu ou senti quelque chose de tel. Je serrais les doigts malgré moi. C’était d’une violence inouïe, d’une luminosité qui se passait de description. Et en même temps c’était si agréable, comme une ascension, une montée vers le ciel, par dessus les nuages après le déluge. C’était comme un oiseau, un très grand oiseau. J’étais tout simplement à court de mots, à court d’énergie pour résister. Je me sentais comme une planète lointaine attirée par la lumière d’un énorme de soleil. A cet instant j’aurais donné n’importe quoi pour savoir à quoi elle était en train de penser. Maudite mutation. Elle n’aurait pas pu me rendre télépathe aussi ?

Je respirais et me laisser porter par le courant abaissant toute barrière entre elle et moi. J’avais envie de rire, de pleurer de joie, de courir et de m’effondrer. Mais je restais là. Assise, calme enfin. Je commençais presque à me dire que j’étais face à quelque chose de merveilleux. Ce que j’étais en train de voir, de sentir, était bien plus beau que tous les paysages, toutes les œuvres d’art et tous les chants. Je me sentais si coupable, j’avais l’impression de le lui dérober.

Malgré tout je n’étais pas au bout de mes surprises. Elle avait parlé de chocolat, mais elle avait visiblement oublié de mentionner la pile de chantilly qui se trouvait sur la tasse qu’elle me tendait. Je la pris maladroitement peinant à en croire ma chance.

Elle s’était assise devant moi, sa tasse dans la main et tout à coup je peinais à croire qu’elle était bien réelle. J’avais la sensation qu’elle allait se mettre à luire. Je ne parvenais pas à croire que cette chose si énorme, gigantesque en elle soit à ce point invisible à l’œil.

-Tu sais, la vie est un cadeau. On en a pas toujours conscience et on la laisse souvent nous filer entre les doigts. Mais on a qu'une seule vie. Alors il faut en profiter. A fond. Sans conditions.

J’avais bu chacune de ses paroles, parce que je commençais à me sentir sale, moche et surtout minuscule à côté d’elle. Si elle pouvait être cela, pourquoi moi n’étais-je qu’un petit être pâle et rempli de tristesse ? Elle devait surement avoir la réponse à cette question. « La vie est un cadeau… et on la laisse souvent nous filer entre les doigts. » Le remord et la culpabilité fondirent sur moi comme des oiseaux de proie. Au fond j’avais eu dix huit années de vie. J’avais tenté d’y mettre fin par trois fois, j’avais été triste, je m’étais fait du mal, j’étais restée très seule, j’avais eu peur. J’avais attendu que le temps passe, cachée derrière les murs de chez moi, derrière ceux du conservatoire, derrière ceux qui étaient dans ma tête. Mais sa force à elle, me donnait soudain le courage de tous les faire tomber.

-Ce n'est pas un simple conseil ou une recommandation. C'est pas des paroles en l'air. C'est une obligation : tu dois profiter de la vie. Aimer, rire, hurler, planer, faire des trucs fous quitte à passer pour une dingue. Il faut vivre la vie à fond. poursuivit-elle son regard dans mes yeux.

Elle n’avait pas eu besoin de dire tant de mots, car je sentais ce qu’elle me disait, je sentais ce qu’elle vivait, elle. « Aimer, rire, hurler, planer faire des trucs de fou. » Je n’avais jamais rien fait de tout cela. Je n’avais fait que pleurer, pleurer, pleurer et pleurer encore. Je me serais enterrée sous terre si j’avais pu, je me serais fait disparaître. Je me serais annihilée. Elle avait raison. Milles fois raison. Alors je bu une gorgé de son chocolat. Ce n’était pas grand-chose mais pour moi c’était déjà faire quelque chose d’interdit, quelque chose d’irraisonné. Mais cela en valait la peine, vraiment, c’était délicieux.

En tout cas c’était la goutte qui faisait déborder le vase, l’émotion en trop dans mon esprit débordé, et balloté. Je fondais en larme de nouveau, sentant le ridicule me brûler les joues. Mais il fallait parler maintenant. Il me fallu un petit moment et une autre gorgée de chocolat.

« Tu as raison… je sais… Je sens que tu as raison… » Pour montrer que j’avais compris je posais le chocolat sur la table en essayant d’éviter les magasines en tout genre, et je séchais mes larmes, comme une gamine, en me frottant les yeux. D’autres arrivaient, dans une rivière sans fin. Désespérant. J’éprouvais alors le besoin de me justifier, d’expliquer pourquoi j’avais bêtement gâcher ma vie.

« Chez moi… chez moi tout le monde est triste. Tout le monde est triste, personne ne dit rien. Tout le monde fait face. Parce qu’il faut que tout le monde sache à quel point les James sont une famille respectable… pour l’honneur ou je sais pas… j’ai jamais trop compris…Je suis… Et moi j’étais triste aussi, tu comprends, j’étais écrasée, depuis toute gamine, si j’avais pu savoir que ce n’était pas à moi, cette tristesse… j’aurais… Du coup, mes parents ne voulaient pas que ça se sache que j’allais mal, alors on m’a fait comprendre qu’il fallait que je sois discrète, que de toute façon, j’étais bonne à rien. Tu comprends ? En grandissant j’ai pu sortir un peu, alors j’ai fait comme les autres, j’ai voulu être la meilleure pour faire plaisir… Mais je suis pas vraiment douée et puis… je ne sais pas ce que je veux… je suis…Mon frère disait que j’étais agoraphobe et dépressive, qu’il me fallait des médicaments et des chocs électriques pour me soigner. Si j’avais su que j’étais… j’aurais pu…J’ai peur de tout maintenant. J’ai peur des gens, j’ai peur du dehors, et j’ai peur de rentrer chez moi. J’ai peur de toutes ces choses incontrôlables que je sens... Chez moi tout le monde déteste les mutants… Mais qu’est ce que je vais faire ? Et mon frère le sait maintenant… Si j’avais su moi… Je comprends que tu as raison… tout ce temps… j’ai perdu mon temps… j’ai rien fait pour m’en sortir à part pleurer je suis…j’aurais du comprendre… je suis… et maintenant je les ai abandonnés avec leur horrible tristesse, je me suis enfuie je suis…je suis… »

Je suis ridicule. Tout ce long discours sorti tout d’un bloc ne servait à rien, et j’avais la sensation que si je ne me taisais pas, elle allait finir par prendre peur. De toute façon… je n’aurais pas été en état d’ajouter autre chose et c’était déjà amplement suffisant. Alors les mains tremblantes je bus encore une gorgée de son délicieux chocolat, en essayant d'éviter son regard.
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Elena K. Shakk
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyLun 27 Mai - 10:58

Je n'arrivai toujours pas à croire que Lyra n'ait pu connaître que des gens tristes et déprimés, comme le sous-entendait sa dernière remarque. C'était juste absurde, en total désaccord avec ma vision du monde. Certes, tout le monde est confronté à la douleur et à la peine à un moment donné de sa vie. Mais cela n'est jamais qu'épisodique. La joie reste la ligne directrice. J'essayai de le lui expliquer, mais n'était pas certaine d'y parvenir réellement. Il n'est pas aisé de mettre des mots sur une sensation aussi forte. J'espérai cependant qu'elle comprendrait, peut-être grâce à son don. Si elle arrivait à lire directement en moi, ce serait plus simple.

Tremblante, elle fondit en larmes. Bon, c'était pas exactement la réaction recherchée... J'étais peut-être pas si douée que ça pour remonter le moral des gens. Elle finit par se reprendre et avala une gorgée de chocolat chaud.

- Tu as raison... je sais... Je sens que tu as raison...

Ah... Pourquoi toutes ces larmes, alors ? J'avais eu dans l'idée de la motiver, de lui redonner le sourire, pas de la faire pleurer toutes les larmes de son corps. Elle posa sa tasse sur la table basse et essuya ses yeux mouillés.

- Chez moi... chez moi tout le monde est triste. Tout le monde est triste, personne ne dit rien. Tout le monde fait face. Parce qu'il faut que tout le monde sache à quel point les James sont une famille respectable... pour l'honneur ou je sais pas... j'ai jamais trop compris... Je suis... Et moi j'étais triste aussi, tu comprends, j'étais écrasée, depuis toute gamine, si j'avais pu savoir que ce n'était pas à moi, cette tristesse... j'aurais...

Bourgeoisie à la con. J'avais jamais compris que les gens puissent à ce point donner de l'importance à l'étiquette, à l'image, à ce que disent et pensent les autres, à toutes ces conneries. Ce n'était pas vivre. C'était juste faire croire aux autres que l'on a la belle vie. Ce qui est archi-faux, bien sûr.

- Du coup, mes parents ne voulaient pas que ça se sache que j'allais mal, alors on m'a fait comprendre qu'il fallait que je sois discrète, que de toute façon, j'étais bonne à rien. Tu comprends ? En grandissant j'ai pu sortir un peu, alors j'ai fait comme les autres, j'ai voulu être la meilleure pour faire plaisir... Mais je suis pas vraiment douée et puis... je sais pas ce que je veux... je suis...

Elle était comme le vilain petit canard.

Mes doigts se crispèrent sur ma tasse. C'était pire que ce que je pouvais imaginer. Ils étaient allés jusqu'à brimer cette pauvre fille parce qu'elle était différente et qu'ils n'étaient pas fichu de la comprendre et de l'accepter. De l'aimer. Putain, ça me mettait les nerfs. Comment pouvaient-ils oser se prétendre être une famille ?

- Mon frère disait que j'étais agoraphobe et dépressive, qu'il me fallait des médicaments et des chocs électriques pour me soigner.

Je ne pus m'empêcher de frémir. Des chocs électrique ? Des chocs électriques ? Putain de merde. On était en Amérique, au vingt-et-unième siècle ! Et ce genre de choses existent encore ? Depuis quand est-ce qu'on traite l'agoraphobie et la dépression par des chocs électriques ? La psychothérapie, la discussion, le dialogue, ils connaissent pas ? Putain de merde, est-ce qu'ils étaient seulement sûr de leur diagnostic avant de lui faire subir ça ?

Je reposai ma tasse sur la table, sinon j'allai finir par la balancer à l'autre bout de la pièce tellement j'étais révoltée.

- Si j'avais su que j'étais... j’aurais pu…J’ai peur de tout maintenant. J’ai peur des gens, j’ai peur du dehors, et j’ai peur de rentrer chez moi. J’ai peur de toutes ces choses incontrôlables que je sens... Chez moi tout le monde déteste les mutants… Mais qu’est ce que je vais faire ? Et mon frère le sait maintenant… Si j’avais su moi… Je comprends que tu as raison… tout ce temps… j’ai perdu mon temps… j’ai rien fait pour m’en sortir à part pleurer je suis…j’aurais du comprendre… je suis… et maintenant je les ai abandonnés avec leur horrible tristesse, je me suis enfuie je suis…je suis…

Traumatisée.

Avec une famille pareille, rien de bien étonnant. Tremblante, elle reprit sa tasse de chocolat, fuyant mon regard. Pour ma part, j'étais... fébrile. Ne tenant plus en place, je me levai, attrapai une clope dans mon sac et aspirai une grande bouffée de nicotine. Cela ne me calma pas pour autant. Je commençai à faire les cents pas.

- D'abord, il est hors de question que tu retournes là-bas ! lâchai-je.

Les mots étaient sortis tout seuls. Et je me fichai bien des conséquences. Je me fichai qu'on me taxe de kidnappeuse, de folle furieuse. Je la laisserai pas retourner dans sa famille. Cela ne la conduirait nulle part si ce n'est peut-être au suicide.

- Du moins, pas maintenant. Pas comme ça, rajoutai-je en m'efforçant de me calmer.

Je ne voulais pas l'effrayer non plus.

- Ils ont pas le droit de te traiter comme ça. Déjà avec leur mentalité de merde. « Une famille respectable », mon cul. Ils méritent même pas le nom de famille pour te considérer comme une moins-que-rien juste parce que tu es différente. Ils ont même pas essayé de comprendre ton problème, je me trompe ?

Je ne lui laissai même pas le temps de répondre, emportée par ma colère.

- Et puis, des chocs électriques ! J'en reviens pas. Est-ce que c'est seulement légal, ce truc-là ? Comment ils ont pu faire ça ? Les abrutis...

Je devais me calmer. J'allais vraiment finir par lui faire peur. Surtout si elle pouvait ressentir toute la rage qui bouillonnait en moi. Je soufflai un grand coup et fermai les yeux. Je parviens à retrouver mes esprit, à endormir ma colère, mais elle était toujours présente, en sourdine, en sommeil.

Je revins m'asseoir sur le canapé.

- Écoute, je ne veux te forcer à rien. Mais tu peux rester ici autant que tu veux, ok ? Je veux dire, t'as pas eu de chance jusqu'à présent, mais ça va changer. Je vais t'aider. On va trouver un moyen pour que tu contrôle ton pouvoir. Et tu va apprendre à profiter de la vie.

Je le ferai. Vraiment.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyLun 27 Mai - 22:53

Je lui avais tout dit, tout ce que j’avais pu, replongeant dans mon propre désespoir comme dans de l’eau glacée. Pendant que je parlais, quelque chose avait changé en elle. Quelque chose de terrible s’était produit. Je ne l’avais pas remarqué d’abord mais après coup, je compris ce qui avait fait qu’elle avait posé sa tasse sur la table si bruyamment, pourquoi elle avait frémit, pourquoi elle s’était levée même. Je prenais conscience petit à petit que cette chose éclatante que je sentais était en train de se concentrer, elle me brûlait, elle devenait sombre comme de la cendre. Je me disais que je n’avais jamais perçu quelque chose comme ça, y compris depuis mon propre esprit. C’était quelque chose de menaçant dont je ne savais rien. J’avais presque mal, il m’était impossible de dire ou, mais cette émotion lui faisait mal et à moi aussi. Je regrettais d’avoir parlé, je regrettais d’être entrée ici.

D'abord, il est hors de question que tu retournes là-bas ! déclara-t-elle.

Sa voix était glacée, mais ses yeux fous, c’est alors que je compris qu’elle était en colère. Je savais que ce n’était pas contre moi qu’elle était dirigée, mais je ne pus pas m’empêcher d’avoir peur. J’avais reculé à l’autre bout du canapé, malgré moi, et j’avais serré mes genoux avec mes bras. Ainsi recroquevillé son émotion me faisait moins mal, mais les larmes roulaient toujours sur mes joues. Ne pas retourner là bas… L’idée me glaçait. « Là bas .» comme elle disait, c’était chez moi malgré tout.

-Du moins, pas maintenant. Pas comme ça, ajouta-t-elle.

La brûlure diminua un peu, mais malgré moi j’avais toujours peur. Au fond c’était évident, je ne pouvais pas rentrer chez moi… mon père me tordrait le cou, rien que de sentir sa haine me rendrait folle de douleur. Mais c’était à toute ma vie qu’il fallait dire adieu, à tout ce que je connaissais, alors mes larmes continuaient de rouler sur mes joues encore et encore. Je ne répondais pas. J’avais la sensation d’avoir trop parlé. J’avais peur que ce que je pourrais dire ne rallume le brasier.

- Ils ont pas le droit de te traiter comme ça. Déjà avec leur mentalité de merde. « Une famille respectable », mon cul. Ils méritent même pas le nom de famille pour te considérer comme une moins-que-rien juste parce que tu es différente. Ils ont même pas essayé de comprendre ton problème, je me trompe ? poursuivit-elle.

C’était peut-être pour cela que sa colère me terrorisait tant. Je ne la ressentais pas moi-même. Je ne voulais jamais avoir une telle chose, une telle arme cachée à l’intérieur de moi. Je ne voulais pas qu’elle dise des choses si dures sur eux qui étaient si tristes.

-Oui je crois que tu te trompe, répondis-je d’une petite voix, à leur manière… je crois… je crois qu’ils ont essayé. Ils ne peuvent juste pas…Leur façade c’est tout ce qu’ils ont tu comprends ? Je sais pourquoi ils ne pouvaient pas la sacrifier pour moi… maintenant.

Je n’étais pas certaine qu’elle ait entendu, mais je n’osais pas m’affirmer d’avantage, j’avais trop peur de faire augmenter encore le grondement sourd à l’intérieur de moi.

Et puis, des chocs électriques ! J'en reviens pas. Est-ce que c'est seulement légal, ce truc-là ? Comment ils ont pu faire ça ? Les abrutis...
explosa-t-elle encore.

Je fis un nouveau bond. J’étais tellement au bout du canapé, que je manquais de tomber à la renverse, il s’en était fallu de peu. J’avais l’impression d’être prise dans un ciel noir, au beau milieu d’un feu d’artifice. L'odeur de la cigarette renforçait étrangement cette impression.

-Oui c’est légal, dis-je encore dans l’espoir de faire enfin retomber la fumée. Normalement c’est pour les gens qui ont des hallucinations, mais ils faisaient des tests sur la dépression. Mon frère à risquer gros pour que je puisse faire parti du panel de patients. Je te jure… et c’est ça le pire, il croyait vraiment que c’était la meilleure chose pour moi. Il essayait vraiment de m’aider… je crois…

Au milieu du marasme il y avait une chose dont j’étais certaine. Peu importait le tord qu’ils m’avaient fait, peu importait tout ce que j’avais pu souffrir à cause de leur incompréhension. Je n’étais pas comme elle, je n’étais pas en colère, à l’intérieur de moi bien caché sous le désespoir, la douleur et la peur, l’amour était quelque part, intact, au point que malgré mon état, je ne voulais pas qu’elle dise trop de mal d’eux et ce, même si je savais qu’elle avait raison au fond.

Finalement elle s’était calmée et j’étais soulagée… Le grondement était toujours là mais plus sourd, plus ténu, la joie de vivre reprenait le pas peu à peu, me sauvant à nouveau du désespoir. Elle allait parler à nouveau, et je sentais que ce qu’elle avait à dire ferait moins mal.

-Écoute, je ne veux te forcer à rien. Mais tu peux rester ici autant que tu veux, ok ? Je veux dire, t'as pas eu de chance jusqu'à présent, mais ça va changer. Je vais t'aider. On va trouver un moyen pour que tu contrôles ton pouvoir. Et tu va apprendre à profiter de la vie.


Sa joie m’envahissait de nouveau pleinement, comme si elle n’avait jamais cessé d’être là. Le flot de mes larmes se tarit enfin. En même temps j’étais submergée par ma propre gratitude. Je pouvais rester ici. Je ne serais pas livrée à moi-même dans la rue noire ce soir. Je pouvais rester là et je savais que dès lors tout irait bien. Je savais qu’elle ne mentait pas.

-Je sais pas quoi dire… Si je peux rester là… alors je crois que je suis déjà un peu sauvée. Ce furent les seuls mots qui purent sortir de ma bouche. Un peu sauvée je l’étais sans doute. Finalement, j’avais eu de la chance dans mon malheur.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMar 28 Mai - 19:18

- Oui je crois que tu te trompes, expliqua Lyra d'une petite voix, si petite que je l'entendis à peine, à leur manière… je crois… je crois qu’ils ont essayé. Ils ne peuvent juste pas…Leur façade c’est tout ce qu’ils ont tu comprends ? Je sais pourquoi ils ne pouvaient pas la sacrifier pour moi… maintenant.

J'étais trop énervée pour réellement faire attention à ses mots. Le fait qu'ils aient pu lui faire subir des chocs électriques me révoltait. Ce genre de pratique me répugnait.

- Oui c’est légal. Normalement c’est pour les gens qui ont des hallucinations, mais ils faisaient des tests sur la dépression. Mon frère à risquer gros pour que je puisse faire parti du panel de patients. Je te jure… et c’est ça le pire, il croyait vraiment que c’était la meilleure chose pour moi. Il essayait vraiment de m’aider… je crois…

Cette fois, les mots m'interpellèrent et je me tournai vers la jeune fille. Réfugiée à l'extrême bout du canapé, recroquevillée sur elle-même, tremblante et en larmes, elle semblait sur le point de craquer. A cause de moi. A cause de ma rage qui devait lui exploser à la figure comme une bombe atomique. Je fus brusquement saisie d'une vertigineuse culpabilité. J'étais trop impulsive.

Je fermai les yeux et inspirai un grand coup. Je devais me calmer. Je parvint finalement à dompter l'animal enragé qui grondait à l'intérieur de moi. Mais la colère ne disparut pas tout à fait. Je ne pouvais pas oublier, je ne pouvais pas simplement faire comme si elle ne m'avait rien dit. Mais mon ressentiment demeurait enfoui, assoupi. J'aurais besoin de me défouler, de laisser éclater cette rage, mais plus tard. Quand je serais loin, là où Lyra, même avec son don, n'aura pas à subir cette tempête dévastatrice.

Je tirai sur ma clope et allai ouvrir la fenêtre d'un pas distrait. Un peu d'air frais me ferait du bien. Je devais soigneusement choisir mes mots.

- Je sais qu'il s'agit de ta famille, et que ce sont là des liens que l'on peut difficilement effacer. Mais ne sois pas non plus trop indulgente avec eux. Reste lucide. Des parents dignes de ce nom ne sacrifient pas leur enfant pour l'étiquette. Tout au contraire.

Je marquai une pause.

- Ne laisse jamais personne te faire du mal, même si ça part d'une bonne intention, justifiée ou pas, d'ailleurs. Quand à cette histoire de chocs électriques ...

Je fis la grimace.

- Je trouve ça barbare, comme procédé. Que ce soit légal ou non, je m'en fiche. C'est barbare.

Ma voix était de nouveau montée. La colère endormie se réveillait déjà. Je me concentrai pour la refouler. Je ne pouvais pas infliger ça à Lyra. Elle était déjà assez traumatisée comme ça. J'écrasai mon mégot sur le rebord de la fenêtre avant de la refermer. J'allai m'asseoir sur le canapé.

- Écoute, je ne veux te forcer à rien. Mais tu peux rester ici autant que tu veux, ok ? Je veux dire, t'as pas eu de chance jusqu'à présent, mais ça va changer. Je vais t'aider. On va trouver un moyen pour que tu contrôles ton pouvoir. Et tu vas apprendre à profiter de la vie.
- Je sais pas quoi dire… Si je peux rester là… alors je crois que je suis déjà un peu sauvée.

Un large sourire déforma mes lèvres.

- Super Shakkey is here ! blaguai-je.

Je pouffai. Il était assez rare que j'utilise mon nom de scène dans la vie de tous les jours. Je fouillais entre les coussins du canapé pour retrouver la télécommande de la télévision et zappai jusqu'à trouver une chaîne musicale. Je baissai un peu le son, histoire d'avoir juste la musique en sourdine.

- J'aime pas le silence, expliquai-je avec une grimace comique.

La télécommande échoua sur la table basse, au beau milieu des magazines et je repris ma tasse de chocolat chaud, laissant le liquide brûler ma gorge. J'allais encore me retrouver avec plein de chantilly sur la figure moi ... Mais c'est ce qui faisait tout le charme d'un chocolat chaud.

- Alors dis-moi, t'es étudiante ? Tu vas à la fac ?

J'avais besoin de changer de sujet pour calmer mes nerfs. Et puis, Lyra avait certainement besoin de se changer les idées. La soirée avait été riche en émotions. Au sens littéral.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMar 28 Mai - 22:01

Elena s’était mise en colère, contre ma famille, contre ceux que j’aimais. Je savais qu’elle ne ferait de mal ni à eux ni à moi, pourtant ce sentiment m’avait terrifiée. Alors j’avais attendu, terrorisée, terrée à l’autre bout du canapé, les bras autour du corps. J’avais trouvé la force de lui expliquer que ce sentiment m’était inconnu. Et j’avais l’impression qu’elle comprenait, le brasier s’étouffait petit à petit au fond de moi.

-Je sais qu'il s'agit de ta famille, et que ce sont là des liens que l'on peut difficilement effacer. Mais ne sois pas non plus trop indulgente avec eux. Reste lucide. Des parents dignes de ce nom ne sacrifient pas leur enfant pour l'étiquette. Tout au contraire.

Ce n’était pas comme cela que j’avais perçu les choses au fond, tout ce temps. Je n’avais pas la sensation d’avoir été sacrifiée, mais plutôt celle que j’étais responsable de ce qui m’arrivait, que j’avais cherché moi-même à être mise à l’écart. Une partie de moi espérait qu’elle avait raison. L’idée que peut-être je n’étais pour rien dans tout ça m’ôtait un poids des épaules. Mais malgré tout, je ne trouvais pas en moi, cette rage affreuse que j’avais ressentie en elle.

-Tu sais, expliquais-je encore, je pense que savoir ce qui se passe dans la tête des gens me rend indulgente. Et puis… être lucide, ça n’a jamais été mon point fort.


-Ne laisse jamais personne te faire du mal, même si ça part d'une bonne intention, justifiée ou pas, d'ailleurs. Quand à cette histoire de chocs électriques Je trouve ça barbare, comme procédé. Que ce soit légal ou non, je m'en fiche. C'est barbare.


Elle avait eu comme une grimace. En réalité, barbare n’était pas non plus le mot qui me venait quand j’y repensais. Je me souvenais que mon frère m’avait bien tout expliqué, d'ailleurs il n'avait pas parlé de chocs électrique mais de sismothérapie. Ils avaient tous eu l’air si sérieux avec leurs blouses et leurs stéthoscopes. On m’avait expliqué qu’on allait m’endormir et j’avais passé des tas d’examen préalables dont j’avais oublié le nom. Mais à mieux y repenser, on m’avait mis un objet métallique dans la bouche, comme ceux qu’on met aux chevaux, et j’avais eu si mal à la tête. Après tout je n’avais pas vu mon corps se convulser. Au fond encore une fois elle avait raison. “Barbare” c’était le mot. Alors je ne répondis rien. Sa colère mélangée à la peur que m’inspiraient maintenant ses souvenirs ne faisait pas bon ménage à l’intérieur de moi et je me sentais au bord de l’explosion. Mais heureusement elle se calma, m’expliquant que je pouvais rester chez elle aussi longtemps que je le voulais.

-Je sais pas quoi dire… Si je peux rester là… alors je crois que je suis déjà un peu sauvée. Parvins-je à dire.

-Super Shakkey is here ! s’exclama-t-elle soudain sur un ton joueur. Les émotions avaient changé si vite en elle, passant d’un coup de son reste de colère sourd à la joie que je sursautais et reculais encore. Mais cette fois il n’y avait plus de canapé, alors je tombais fesses sur le sol avec un bruit sourd, les pieds sur la banquette. Finalement je ris, amusée par l’image que je devais renvoyer les pieds en l’air et la tête en bas. Ayant peur de paraître ridicule malgré tout je me rassis rapidement, lissant les plis de ma robe. L’air de rien je rattrapai mon chocolat pour boire une gorgée. « Shakkey » avait-elle dit. C’était sans doute un surnom que ses amies lui donnaient. J’aurais voulu avoir des amis moi aussi pour qu’elles me surnomment aussi. Avec "Elie" ça lui faisait deux surnoms. Chanceuse.

Entre temps, elle avait attrapé la télécommande et elle avait trouvé une chaine musicale. Autant dire que ça changeait de ce que j’avais l’habitude d’étendre. Mais j’aimais assez.

-J'aime pas le silence, se justifia-t-elle. Mais c’était inutile.
-Moi non plus. Répondis-je. Effectivement avec le peu de recul que je commençais à prendre, je me rendais compte que le silence qui régnait constamment chez moi m’avait pesé tout ce temps. Avec cette musique par derrière, j’avais soudain l’impression que nous nous apprêtions à faire la fête.

-Alors dis-moi, t'es étudiante ? Tu vas à la fac ? demanda-t-elle se saisissant de sa propre tasse. Brusquement voilà que nous nous mettions à avoir une conversation normale. J’étais contente, Presque comme si toutes ces mauvaises choses étaient à présent derrière moi. Son esprit était à nouveau serein et lumineux.

-Oui… enfin pas exactement. Je suis au conservatoire juste à côté. Je fais un double cursus danse et chant lyrique. J’ai aussi quelques cours de piano. Et toi qu’est ce que tu fais dans la vie?

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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMer 29 Mai - 18:36

Lyra avait finalement accepté de rester chez moi pendant quelques temps, affirmant qu'ainsi, elle était déjà un peu sauvée. Je ne pus m'empêcher de faire un trait d'humour. La situation s'y prêtait trop : une mutante, donc une potentiellement une super-héros, « sauvée » par une humaine tout ce qu'il y a de plus normale...

- Super Shakkey is here ! m'exclamai-je.

Je ris. Mais Lyra fit un bond de plusieurs centimètres, et comme elle était déjà à l'extrême bord du canapé, gravité oblige, elle se cassa royalement la figure. J'étouffai une exclamation de surprise et me mis à quatre pattes sur les coussins pour voir comment elle allait.

- Ça va ? demandai-je.

Puis, elle éclata de rire, à cause de sa posture pour le moins ridicule. Elle n'avait pas du se faire trop mal. Je ris avec elle. Je ne pensais pas lui faire un tel effet avec une simple blague. Peut-être que moi aussi j'avais des super-pouvoirs en fin de compte. La jeune fugueuse se releva et se rassit sur le canapé, plissant sa robe. Je me fis la réflexion qu'elle ressemblait à une poupée de porcelaine, à toujours bien se tenir comme ça. C'était sans doute du à son éducation. Autant dire que la mienne avait été très différente.

J'allumai la télévision, sur une chaîne musicale, histoire d'avoir un fond sonore. Je me justifiai d'un sourire, précisant que je détestai le silence. Et Lyra partageait mon avis.
Préférant changer de sujet - je devinai qu'elle en avait besoin - je lui demandai si elle allait à la fac de la ville.

-Oui… enfin pas exactement. Je suis au conservatoire juste à côté. Je fais un double cursus danse et chant lyrique. J’ai aussi quelques cours de piano. Et toi qu’est ce que tu fais dans la vie?
- Ah, toi aussi, tu adores la musique ? Au moins ta passion est en accord avec ton prénom, c'est amusant.

Je souris et croquai dans une madeleine.

- J'aime beaucoup danser. Mais pas pour prendre des cours ou quoi. Juste danser pour m'amuser et me défouler, en soirée ou en boîte, tu vois ? Le seul cours de danse que j'ai jamais pris, c'était de la danse traditionnelle en Afrique du Sud.

Un souvenir exceptionnel, que je n'étais pas prête d'oublier.

- Je chante aussi, même si je frôle l'arrêt cardiaque à cause du trac, chaque fois que Chad me fait monter sur scène. Par contre, je suis littéralement incapable de jouer d'un instrument. J'ai bien essayé la batterie quand j'étais ado mais… comment dire ? C'était une vraie catastrophe !

J'éclatai de rire. Mon père avait cru devenir définitivement sourd, à l'époque.

- Et je suis cuisinière au Croco Deal, le café-théâtre du centre-ville. J'adore y travailler, même si le patron s'est mis en tête de faire de moi une « star du show ».

J'avalai le dernier bout de ma madeleine.

- En fait, il m'arrive fréquemment de chantonner, sans m'en apercevoir. Sous la douche, au volant... et aussi au travail. Chad, mon patron, a eu la mauvaise idée de m'entendre et s'est mis dans la tête de me faire monter sur la scène du Croco Deal. Il m'a harcelé pendant des jours, jusqu'à me faire céder. Comprends-moi bien, j'adore chanter, c'est vrai, mais j'ai une peur monstre de la scène. Dès que je me retrouve sous les projecteurs, je suis tétanisée. Mais va expliquer ça à la tête de mule qui me sert de patron ! Il me fait chanter sur scène environ une fois par mois, en m'accompagnant à la guitare.

Un sourire déchira mes lèvres au souvenir des querelles qui m'opposaient à lui à chaque fois qu'il me mettait sur la scène. Je râlai beaucoup après Chad, mais dans le fond, je l'appréciai.

- Et « Shakkey », c'est mon nom de scène, en fait, précisai-je.

Je bus une gorgée de chocolat, me mettant de la chantilly partout sur le visage. Je gloussai en m'essuyant.

- En tout cas, c'est cool que tu sois au conservatoire. J'ai cru comprendre qu'il était difficile d'y entrer ? Les cours ne sont pas trop durs ?
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyDim 2 Juin - 9:20

Nous avions parlé des miens, nous n’étions pas d’accord, mais elle semblait m’accepter telle que j’étais. En plus de tolérer le fait que j’étais une mutante, elle tolérait l’amour que je portais à ceux qui m’avaient détruite. Je comprenais lentement quelle était cette notion, ce que voulait vraiment dire être tolérant. On m’avait toujours enseigné à l’être. Mais la liste d’exception à cette règle était interminable. Elle avait l’air contente que je reste chez elle, et ce malgré le fait que ma maladresse m’avait faite tombé du canapé. Je commençais à me sentir mieux, à comprendre qu’ici, mes moindres faits et gestes n’étaient pas épiés et jugés. L’air de rien nous changions maintenant de sujet. Comme si nous étions deux personnes normales qui faisaient connaissance. Rien n’était moins vrai pourtant. Ni elle ni moi n’étions “normales”. Néanmoins, je lui expliquais que j’étais au conservatoire, jouant le jeu…

-Ah, toi aussi, tu adores la musique ? Au moins ta passion est en accord avec ton prénom, c'est amusant.

Cette petite remarque me fit réfléchir. Après tout, pourquoi m’avait t’ont donné ce prénom. Le lyrisme… l’expression des sentiments, la musique, l’art, c’était un peu tout ce que les miens pensaient inférieur. Avaient-ils su depuis que j’étais née, ce que j’étais? Cette pensée me glaçait alors je décidais de ne plus y penser, de sombrer entière dans son esprit lumineux qui m’attirait inexorablement.

-Je chante aussi, même si je frôle l'arrêt cardiaque à cause du trac, chaque fois que Chad me fait monter sur scène. Par contre, je suis littéralement incapable de jouer d'un instrument. J'ai bien essayé la batterie quand j'étais ado mais… comment dire ? C'était une vraie catastrophe !

J’ai heureuse plus que je ne saurais dire. Enfin, elle semblait qu’elle et moi ayons quelque chose en commun. Même si nos manière d’aborder la musique étaient sans doute très différentes, nos partagions quelque chose. Je la laissais poursuivre, avide d’en savoir plus sur celle avec qui j’étais maintenant destinée à passer un peu de temps.

-Et je suis cuisinière au Croco Deal, le café-théâtre du centre-ville. J'adore y travailler, même si le patron s'est mis en tête de faire de moi une « star du show ».

Une nouvelle pensée douloureuse me traversa l’esprit. Elle était cuisinière. Cet appartement, toute ces choses qu’elles possédaient, elle les avait gagnés à la sueur de son front. Et moi, serais-je capable d’en faire autant ? La réponse me semblait évidente. Non. Absolument pas. Encore une fois je me taisais décidant de m’accorder une soirée à fuir mes ennuis. Si mes dons pouvaient m’accorder quelque chose, c’était ce court moment de quiétude, loin de mes propres émotions.

- En fait, il m'arrive fréquemment de chantonner, sans m'en apercevoir. Sous la douche, au volant... et aussi au travail. Chad, mon patron, a eu la mauvaise idée de m'entendre et s'est mis dans la tête de me faire monter sur la scène du Croco Deal. Il m'a harcelé pendant des jours, jusqu'à me faire céder. Comprends-moi bien, j'adore chanter, c'est vrai, mais j'ai une peur monstre de la scène. Dès que je me retrouve sous les projecteurs, je suis tétanisée. Mais va expliquer ça à la tête de mule qui me sert de patron ! Il me fait chanter sur scène environ une fois par mois, en m'accompagnant à la guitare.

Cette fois je ne pus pas rester sans rien dire.

- C’est vraiment une bonne idée qu’il a eu, ton patron. Tu sais, tout le monde à peur au départ c’est normal, au début ça terrorise. Pour moi qui en plus ai peur de la foule imagines une seconde. Mais au bout d’un moment on s’habitue. Enfin… on ne s’habitue jamais vraiment. Mais on apprends à faire en sorte que ça n’enlève rien au plaisir…Je pourrais peut-être te montrer les exercices de respiration qu’on m’a appris…cela t’aiderait sans doute un peu.


- Et « Shakkey », c'est mon nom de scène, en fait. Poursuivit-elle. Chanceuse! Chanceuse et encore chanceuse. J’aurais voulu avoir un nom de scène moi aussi. J’aurais voulu que le jury du concert ou du ballet de fin d’année ne se contente pas de citer mon nom et mon numéro d’étudiante.

Parler de tout cela avait l’air de l’amuser. Elle mangeait et buvait sans prêter attention aux bonnes manières. Elle se retrouva avec un peu de chantilly sur le nez. On m’avait toujours enseigné que ce genre de choses étaient répugnantes, mais à présent, je trouvais ça mignon.

- En tout cas, c'est cool que tu sois au conservatoire. J'ai cru comprendre qu'il était difficile d'y entrer ? Les cours ne sont pas trop durs ?

Difficile d’y entrer… Oui ça l’était, parfois, je me demandais encore comment j’avais fait. Je soupçonnais mon père d’avoir versé un peau de vain, avant de me souvenir qu’il ne se serait pas donné cette peine pour que je deviennes comme il disait “une vulgaire saltimbanque.”

- En fait j’ai eu beaucoup de chance d’entrer là bas. Normalement j’avais commencé beaucoup trop tard, à cause de ma dépression… Alors ma mère a commencé par me payer des cours à domicile pour que je rattrape mon retard. Elle a été surprise de voir qu’au bout de deux ans seulement de cours quotidiens j’avais le niveau pour entrer. Mais comme je n’ai pas fait le même cursus que les autres, le certains sont durs avec moi, certains disent que c’est le talent, d’autre que c’est le laxisme de la direction qui manque d’élèves. Mon professeur de chant est très sympa, elle m’a appris beaucoup de choses, je veux dire, en plus de m’apprendre à chanter. Par contre la danse… le professeur est très sévère, il n’est presque jamais content de nous. Mais à force il ne m’atteint plus. Je veux dire maintenant…Je me rends compte qu’il est triste lui aussi. Le plus dur c’est le solfège, l’harmonie et l’analyse. Les cours magistraux en somme. J’ai toujours eu de mal à me concentrer donc forcément... Ce n’est pas que c’est difficile, c’est que ce n’est pas fait pour moi. Mais peu importe au fond, tu sais je suis un peu comme toi. J’aime vraiment chanter, danser et jouer du piano.


En comme je disais cette dernière phrase, je me rendais compte pour la première fois de ma vie qu’effectivement, même si c’était dur, ce n’était pas seulement parce que c’était la seule chose que je sache faire que je poursuivais. C’était parce que j’aimais ça, vraiment et sincèrement.



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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyDim 2 Juin - 18:31

J'expliquai à Lyra de quelle façon je m'étais retrouvée à chanter régulièrement sur la scène du Croco Deal. Je devais ça à mon charmant patron, bien sûr.

- C’est vraiment une bonne idée qu’il a eu, ton patron. Tu sais, tout le monde à peur au départ c’est normal, au début ça terrorise. Pour moi qui en plus ai peur de la foule imagines une seconde. Mais au bout d’un moment on s’habitue. Enfin… on ne s’habitue jamais vraiment. Mais on apprends à faire en sorte que ça n’enlève rien au plaisir…Je pourrais peut-être te montrer les exercices de respiration qu’on m’a appris…cela t’aiderait sans doute un peu.

Je haussai les épaules.

- Oui, enfin, y'a toujours des gens pour qui s'est plus facile, parce qu'ils ont ça "dans le sang". Pour ma part, je suis pas tellement timide, mais je suis loin d'avoir la fibre de la scène. Après, je suis d'accord avec toi. C'est vrai que plus le temps passe, et plus j'arrive à prendre mon pied sur scène, malgré le trac.

Je trempais ma madeleine dans ma tasse de chocolat avant de l'enfourner toute entière dans ma bouche. C'était encore meilleur comme ça, même si je devais un peu ressembler à un hamster actuellement. J'avalai ma gourmandise et je souris.

- D'habitude, je me sers de l'humour pour évacuer le stress, ce qui fait que je me chamaille avec Chad comme une vraie gamine avant chaque représentation ! Mais je veux bien que tu m'expliques pour les exercices de respiration, ça pourra pas me faire de mal, je pense.

Je lui demandai ensuite si cela n'avait été trop difficile pour elle d'entrer au Conservatoire de Daytona. J'avais entendu dire que c'était très sélect comme école.

- En fait j’ai eu beaucoup de chance d’entrer là bas. Normalement j’avais commencé beaucoup trop tard, à cause de ma dépression… Alors ma mère a commencé par me payer des cours à domicile pour que je rattrape mon retard. Elle a été surprise de voir qu’au bout de deux ans seulement de cours quotidiens j’avais le niveau pour entrer. Mais comme je n’ai pas fait le même cursus que les autres, le certains sont durs avec moi, certains disent que c’est le talent, d’autre que c’est le laxisme de la direction qui manque d’élèves. Mon professeur de chant est très sympa, elle m’a appris beaucoup de choses, je veux dire, en plus de m’apprendre à chanter. Par contre la danse… le professeur est très sévère, il n’est presque jamais content de nous. Mais à force il ne m’atteint plus. Je veux dire maintenant…Je me rends compte qu’il est triste lui aussi. Le plus dur c’est le solfège, l’harmonie et l’analyse. Les cours magistraux en somme. J’ai toujours eu de mal à me concentrer donc forcément... Ce n’est pas que c’est difficile, c’est que ce n’est pas fait pour moi. Mais peu importe au fond, tu sais je suis un peu comme toi. J’aime vraiment chanter, danser et jouer du piano.

Je souris de toutes mes dents.

- J'me doute, vu comment ton visage s'éclaire quand tu en parles.

Cela me faisait plaisir de la voir ainsi. Pour la première fois de la soirée, j'avais l'impression qu'elle était heureuse. Elle avait vraiment trouvé sa voie.

- Puis, tu devais vraiment être motivée pour réussir à rattraper tout ton retard. Et ne fais pas attention à ce que disent les gens. Du moment que tu fais ce qui te plaît, c'est tout ce qui compte.

Je finis mon chocolat chaud puis reposai la tasse sur la table.

- Moi non plus j'ai jamais trop aimé les cours magistraux. C'est pour ça que je suis partie en cursus professionnel, le plus tôt possible. Cela me correspondait mieux.

Je souris.

- D'ailleurs, j'ai une idée ! Pourquoi tu viendrais pas chanter avec moi au Croco Deal ? Chad sera sûrement d'accord, pour une fois que je propose de monter sur scène volontairement ...

J'étouffai un bâillement et m'étirai, faisant craquer mon dos. Ma journée de boulot commençait à me peser sur les épaules.

- S'cuse-moi. J'suis crevée. Où veux-tu dormir ? Tu as le choix entre le canapé - c'est un clic-clac - ou squatter avec moi, j'ai un lit deux places.

Je me levai et ramassai les deux tasses vides et l'assiette de madeleine. D'ailleurs, il n'en restait que deux. Je croquai dans la première et proposai la seconde à Lyra. Puis je déposai la vaisselle dans l'évier, je laverai ça demain.

- Et je peux de filer un des vieux tee-shirts que je prends pour dormir. Je pourrais également te prêter des fringues, on doit faire à peu près la même taille. Mais on verra ça demain.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyLun 3 Juin - 21:12


-Oui, enfin, y'a toujours des gens pour qui s'est plus facile, parce qu'ils ont ça "dans le sang". Pour ma part, je suis pas tellement timide, mais je suis loin d'avoir la fibre de la scène. Après, je suis d'accord avec toi. C'est vrai que plus le temps passe, et plus j'arrive à prendre mon pied sur scène, malgré le trac.


Nous parlions du chant et de la scène, et j’étais ravie de découvrir que nous avions ça en commun. “Prendre son pieds.” Voilà une expression que je n’utilisais pas tous les jours. Malgré tout, je mis à sourire.

-Si ça te plait, tu finirais toujours pas y retourner, que tu le veuille ou non… poursuivis-je. Puis je bus encore un peu de chocolat. Elle mangeait allègrement et je ne voulais pas avoir l’air d’hésiter. Et puis laisser ce chocolat refroidir serait une sorte de sacrilège.

-D'habitude, je me sers de l'humour pour évacuer le stress, ce qui fait que je me chamaille avec Chad comme une vraie gamine avant chaque représentation ! Mais je veux bien que tu m'expliques pour les exercices de respiration, ça pourra pas me faire de mal, je pense.

Le fait qu’on puisse se chamailler avec son parton me paraissait inouïe en soi. En réalité, il semblait que mon éducation m’ait beaucoup menti sur le monde et ses enjeux. On n’était pas obligé d’être froid et effrayant pour être parton, ni d’être servile pour être employé par quelqu’un. Le monde était plus beau que ce qu’on m’avait appris, beaucoup moins terrible, moins manichéen aussi.

-ça fait jamais de mal… et puis ça sert dans des tas de circonstances… dis-je encore.

Puis elle me posa des question sur moi, ce que je faisais, alors je lui parlais du conservatoire, et ce faisant je prenais conscience que j’aimais réellement danser, chanter, et jouer du piano, malgré mes difficultés en cours magistraux.

-J'me doute, vu comment ton visage s'éclaire quand tu en parles. Puis, tu devais vraiment être motivée pour réussir à rattraper tout ton retard. Et ne fais pas attention à ce que disent les gens. Du moment que tu fais ce qui te plaît, c'est tout ce qui compte. Moi non plus j'ai jamais trop aimé les cours magistraux. C'est pour ça que je suis partie en cursus professionnel, le plus tôt possible. Cela me correspondait mieux.

Mon visage s’éclairait. J’étais heureuse d’apprendre que cela se voyait sur moi. Avec mes manières, mon comportement mesuré, j’avais eu peur de lui sembler froide ou distante. Encore une fois elle visait juste, elle avait raison, c’était vrai au fond, pourquoi je me souciais d’eux ? C’était ce qu’on m’avait appris. C’était ce que je devais oublier à présent, laisser derrière moi.

J’aimerais bien laisser tombé les cours magistraux aussi. L’année prochaine j’en aurais fini avec théoriquement. Je rentre en master. Poursuivis-je soucieuse de ne pas rester trop silencieuse. Elle souriait alors je souris en retour. Mais rien ne m’avait préparée à la suite.


-D'ailleurs, j'ai une idée ! Pourquoi tu viendrais pas chanter avec moi au Croco Deal ? Chad sera sûrement d'accord

J’eus envie de pleurer brusquement, mais de joie cette fois. Elle me proposait de monter sur une scène. Une vraie scène, une scène face à des gens qui viennent seulement pour le plaisir des oreilles et non pour juger et noter la performance. J’étais ravie aussi de faire quelque chose avec elle, c’était comme si tout à coup nous étions amis.

-J’adorerais… soufflais-je en retour. Je me doutais qu’à cet instant précis, mon visage devait vraiment être illuminé. J’aurais voulu que mon don fonctionne à l’inverse, pour qu’elle se rende compte du plaisir qu’elle venait de me faire. Mais pour elle cela semblait être la chose la plus anodine du monde. Alors elle s’étira, bailla tout son saoul et poursuivit comme si de rien n’était en commençant à ranger la vaisselle que nous venions d’utiliser.

-S'cuse-moi. J'suis crevée. Où veux-tu dormir ? Tu as le choix entre le canapé - c'est un clic-clac - ou squatter avec moi, j'ai un lit deux places

J’hésitais. Une partie de moi voulait dormir avec elle, sentir que je n’étais plus seule, mais ma timidité maladive me tiraillait de l’autre côté. Deux filles dans le même lit à nos âges ça ne se faisait pas. Mais n’avait-elle pas dit qu’il fallait vivre intensément ? Ne pas se soucier de ce que les autres pensaient ? Si elle me proposait de faire ça, c’est que ça ne devait pas la déranger. Je n’avais pas envie de me retrouver seule dans le salon, j’allais sans doute avoir peur tout seule dans le noir, dans cet endroit inconnu.

-J’aimerais mieux dormir avec toi, si ça ne ennui pas bien sûr… finis-je par dire d’une petite voix un peu mal à l’aise.

-Et je peux te filer un des vieux tee-shirts que je prends pour dormir. Je pourrais également te prêter des fringues, on doit faire à peu près la même taille. Mais on verra ça demain.

Je hochais la tête, pensant aux vêtements qu’elle allait me prêter. De ma vie jamais je n’avais porté de Jean, je n’avais porté que les robes choisies le plus souvent par ma mère à l’époque où je ne pouvais pas sortir seule, celles qui me donnaient l’air d’un cadeau emballé, d’une poupée des temps anciens. L’idée de porter les siens me remplissait de joie et me terrorisait à la fois.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMar 4 Juin - 11:27

J'expliquai à Lyra de quelle façon Chad m'avait plus ou moins contrainte à monter sur scène. Mais même si je râlai beaucoup après mon patron, j'avais appris à prendre mon pied pendant ces représentations, malgré mon trac.

-Si ça te plait, tu finirais toujours pas y retourner, que tu le veuille ou non… affirma-t-elle.

Je me tournai vers elle, affichant un air mi-surpris, mi-choqué.

- Mon dieu, on croirait entendre Chad ! notai-je avant d'éclater de rire.

Elle me proposa d'apprendre des exercices de respiration et j'acceptai avec joie. Elle me parla ensuite de ses cours et ça se voyait comme le nez au milieu de la figure qu'elle adorait ça. Pour la première fois de la soirée, elle me semblait vraiment heureuse.

- J’aimerais bien laisser tombé les cours magistraux aussi. L’année prochaine j’en aurais fini avec théoriquement. Je rentre en master.

Je hochai la tête avant de lui proposer de venir chanter avec moi au Croco Deal. Chad ne si opposerait certainement pas. Il était toujours partant pour découvrir de nouveaux talents. Et elle devait avoir une bonne voix pour être entrée au conservatoire.

À peine avais-je terminé ma phrase que son visage s'illumina tout entier. Pour un peu, elle aurait même brillé dans le noir, en mode luciole. C'est comme si je lui avais annoncé la plus belle chose au monde.

-J’adorerais… souffla-t-elle.
- Entendu. J'en parlerai à Chad, demain, au boulot.

Je souris. Mais en attendant, je commençait à être pas mal crevée. Je bâillais en m'étirant et lui demandai où elle voulait dormir : canapé clic-clac ou squat sur mon lit deux places ? Elle hésita un moment avant de me répondre.

-J’aimerais mieux dormir avec toi, si ça ne ennui pas bien sûr… dit-elle, mal à l'aise.
- Mais non, assurai en balayant ses doutes d'un geste de la main.

Je verrouillai la porte d'entrée et fermai les volets. Puis je guidai mon invitée jusqu'à ma chambre. Elle n'était pas très grande, mais me suffisait largement. Le lit deux place trônait au milieu de la pièce, avec une couette sur laquelle était imprimé l'image d'une île paradisiaque. Une immense armoire débordait de fringues, pas toujours très bien rangées. Un petit bureau était installé sous la fenêtre, avec mon PC portable et des babioles récoltées un peu partout au cours de mes voyages. Au dessus du lit, une large carte du monde était épinglée au mur, avec une petite croix sur chaque destination que j'avais visitée. Autant dire qu'il y en avait beaucoup, des croix rouges …

J'ouvrais mon armoire et sortit plusieurs vieux tee-shirts, certains trop grands pour moi de plusieurs tailles, de couleurs diverses et variés. C'était pour la plupart des trucs publicitaires que j'avais récupéré et qui me servaient de pyjama. Je les étalai sur le lit, devant Lyra.

- Choisis celui que tu veux. La salle de bains est juste à côté si tu veux faire un brin de toilette.

Je récupérai mon vêtement de nuit, un tee-shirt XXL à l'effigie des Lapins Crétins, et allai me changer dans la salle d'eau. Je me démêlai les cheveux, me brossai les dents et fit un dernier tour de l'appart pour vérifier que tous les volets étaient bien fermés. Puis je rejoignis Lyra dans la chambre.

- J'commence qu'à 10 heures, demain. Donc on pourra faire un peu la grasse mat'

Je me glissai sous les couvertures, puis éteignis les lumières.

- Bonne nuit. Et si je ronfle, tu me secoue !

Je fermai les yeux et ne tardai pas à m'endormir. Lorsque je me réveillai le lendemain, aux alentours de 9h, Lyra dormait encore. Je me levai silencieusement et allai dans la cuisine. J'ouvris les volets et les fenêtres, faisant entrer un peu d'air frais. Puis je me préparai un bol de céréales avec du lait et un verre de jus d'orange. Je m'installai sur ma petite terrasse, sur une chaise pour manger. L'océan me faisait face, et des promeneurs matinaux sillonnaient déjà la plage. Je souris, j'aimais vraiment cet endroit.
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMar 4 Juin - 15:53

-Entendu. J'en parlerai à Chad, demain, au boulot.

Je m’arrêtais de respirer une seconde. C’était dit, statué, définitif. Elle allait lui en parler à son patron un peu bizarre qui s’amuse avec ceux qui sont sous ses ordres…Je me sentais à la fois euphorique et anxieuse. Après tout à quoi allait ressembler cet endroit ? C’était une chose de faire du chant lyrique au conservatoire, mais ce n’était sans doute pas ce à quoi s’attendaient les gens qui venaient boire un verre là bas. Mais après tout Elena avait dit qu’il fallait vivre à fond, faire les choses sans se soucier de ce qu’allaient en penser les gens. Et puis surtout, cela voulait dire qu’il y avait une vie après l’effondrement que je venais de vivre. J’étais une mutante certes, une sorte de monstre, mais je pouvais me faire une amie, et je pouvais toujours chanter. La mutation ne touchait pas à ma voix après tout ni à mon corps.

Finalement elle bâilla. J’avais trouvé le courage de lui dire que je préférais dormir avec elle que seule, alors elle m’avait assurée que ça ne la dérangeait pas. Cela n’avait pourtant pas dissipé le malaise, mais je me sentais un peu moins mal.

La chambre était assez sympathique, marquée par les voyages encore. Je me demandais si j’aimerais voyager autant, moi. J’en doutais. Trop de gens, trop de nouvelles têtes, trop d’anxiété. Je n’étais pas assez courageuse, alors encore une fois j’admirais en silence. Peu à peu les T-shirts se mirent à pleuvoir sur le lit.

-Choisis celui que tu veux. La salle de bains est juste à côté si tu veux faire un brin de toilette.

Je regardais les innombrables T-shirts d’un oeil distrait et je désespérais de ne pas avoir pris mon pyjama, mais il fallait dire que je n’avais pas vraiment eu en tête ce genre de détails au moment ou j’étais partie. Je pris celui qui me semblait le plus grand, espérant qu’il me couvrirait au moins jusqu’à mi-cuisse. Il était bleu avec dessus un smiley au sourire goguenard. Je passais dans le salon récupérer mon sac où j’avais mis dans un éclair de lucidité une brosse à dent, du dentifrice, des sous-vêtements propres et une tenue de danse. Une tenue de danse ? J’eu envie de rire ou de pleurer je ne savais pas. Je ne pensais pas à prendre mon pyjama, je ne pensais pas à prendre de l’argent liquide, je ne pensais pas à prendre des vêtements propres. Par contre mon tutu, mon justaucorps, mes pointes et mes demi-pointes tout était là, y compris de quoi me faire cet éternel chignon comme le voulait la règle. L’idée du conservatoire me semblait lointaine pourtant. Aussi je ne tiquais pas en sortant de la salle de bain, changée, le visage rincé quand Elena ajouta :

-J'commence qu'à 10 heures, demain. Donc on pourra faire un peu la grasse mat'
Sans y réfléchir plus, je me glissais sous les draps à côté d’elle, en me faisant le plus petite possible.


- Bonne nuit. Et si je ronfle, tu me secoues ! dit-elle encore d’une voix chaleureuse, comme si elle était enthousiaste à l’idée même de dormir.

-Bonne nuit à toi aussi. dis-je en retour d’une petite voix.

Elle tomba rapidement endormie et quand ce fut le cas, je restais interdite face à la sensation que cela produisit en moi. C’était comme si son esprit m’avait tourné le dos, mais je le sentais toujours. Heureusement, car si je m’étais retrouvée seule avec le mien, qui aurait pu prévoir ce qui se passerait. Comme je peinais à m’endormir, j’écoutais son souffle, m’imprégnant peu à peu de l’idée que je n’étais pas seule. Elle devait faire des rêves agréables car l’autre face de son esprit était paisible comme une mer un jour de beau temps. Finalement je parvins à sombrer moi aussi.

Lorsque je me réveillais j’étais seule dans le lit. Les volets étaient déjà ouverts. Le soleil était déjà haut. Brusquement une peur panique se déversa sur moi. J’étais en retard. Terriblement en retard. Irrémédiablement en retard. La danse ce matin c’était à 8h. A quelle heure mon hôte m’avait dit commencer ? 10h ! Mince mince et re mince. La veille tout cela m’avait parut tellement lointain que je n’y avais pas pensé, retourner au conservatoire m’avait semblé impossible, à présent que j’étais différente, à présent que j’étais une mutante. Mais avec le matin la vie suivait son cours. Sans m’attendre. Voulais-je renoncer au conservatoire ? Non. Voulais-je faire face à la marrée d’émotions confuses qui m’attendait sans doute là bas, qui m’attendais déjà hors de cet appartement ? Evidement que non. Mais il fallait essayer. Un absence injustifiée encore, et j’étais virée. Virée. Sans plus attendre je me levais en sursaut, et sans me demander où était Elena je commençais à m’étirer frénétiquement. Il valait mieux être échauffé quand on arrivait en retard en danse, sans quoi le professeur exigeait qu’on poursuivre les exercices comme les autres, au risque de se faire mal. Vraiment mal. Je m’apercevais soulagée que le grand écart me venait rapidement, une jambe devant une jambe j’attrapais mes pointes le plus vite que je pouvais. Pour vérifier que tout était en place je me mettais sur un pied et attrapais mon autre jambe, la serrant contre ma joue. Je manquais la lumière de peu avec ma pointe tendue.
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Elena K. Shakk
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMar 4 Juin - 18:49

Mon petit déjeuner fini, je rentrai dans la pièce principale et entassai la vaisselle dans l'évier. Il faudra que je songe à la faire un de ces quatre, quand même. Je retournai dans la chambre dans le but de me changer avant d'aller au boulot, mais je me figeai de stupeur en apercevant Lyra, en équilibre sur la pointe d'un pied, l'autre jambe collée contre le visage... Un grand écart à la verticale. Je clignai des yeux plusieurs fois pour m'assurer que je ne rêvais pas.

- Euh … Lyra ? Je suis pas en train de te juger, hein, mais … ça t'arrive souvent de faire ce genre de choses au réveil ?

Un putain sourire me démangeait les lèvres. La situation était plutôt du genre cocasse. Mais ma nouvelle coloc' semblait plutôt... désespérée pour l'heure. Entre deux étirements (était-il seulement biologiquement normal de se contorsionner de la sorte ?), elle m'expliqua la situation. Son cours de danse au conservatoire avait commencé il y a … plus d'une heure.

Ça, c'est ce qui s'appelle une boulette.

Bizarrement, comme dans toutes les situations de ce genre, j'avais envie de rire. Ma mère disait que c'était nerveux, mon père que j'étais juste la plus grande je-m'en-foutiste du monde. Bref, je me retins toutefois de rire.

- Okay. No panic, dis-je. Finis de te préparer. Je vais me changer et je te dépose avant d'aller au Croco'.

Je piochai au hasard dans mon armoire un vieux jeans et un chemisier beige puis filai me changer dans la salle de bains. De toute façon, j'avais une tenue de cuistot au boulot. J'en profitai pour me brosser les dents, et nouer mes cheveux indisciplinés en un rapide chignon. Quelques pinces pour ordonner les mèches rebelles, et j'étais prête. Je repassai par la chambre pour récupérer mon téléphone portable.

- Prête ? fis-je à Lyra.

Nous sortîmes de ma chambre et j'embarquai mon trousseau de clefs ainsi que mon sac à main. Je verrouillai la porte de l'appart et nous descendîmes, au pas de course, jusqu'au parking souterrain. D'ordinaire, je vais au boulot à pied, car ce n'est pas si loin et au moins, je n'ai pas à me casser la tête pour pour me garer. Mais ma voiture m'est quand même utile, les jours où j'ai zappé le réveil, où quand il pleut. On embarqua dans ma vieille Golf - bleue décolorée, avec la peinture qui s'écaille, ça fait très chic, mais bon, du moment qu'elle roule... Farfouillant dans la boîte à gants, j'en sortis une boîte de gâteaux que je tendis à la jeune fille.

- Tiens, manges. Tu vas pas aller danser le ventre vide.

Je démarrai et sortis du parking. Je connaissais grosso-merdo l'emplacement du Conservatoire mais me fiai surtout aux indications de Lyra. Nous arrivâmes finalement à destination et je me garai devant l'entrée.

- Allez courage ! Ah, au fait …

J'attrapai l'un des tickets de caisse qui traînaient sur le tableau de bord et, avec un stylo sorti de mon sac à main, je griffonnai mon numéro de portable dessus.

- Tiens, mon numéro. Je risque de finir tard ce soir, et je pourrais pas venir te chercher. Mais tu pourras toujours me rejoindre au Croco en prenant le bus. Appelle si t'as un soucis, ok ?







HJ : J'ai pris quelques libertés, histoire de faire avancer le truc. Si ça vas pas, dis-le et je modifierai Wink
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Lyra L. James
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyMer 5 Juin - 11:31

-Euh … Lyra ? Je suis pas en train de te juger, hein, mais … ça t'arrive souvent de faire ce genre de choses au réveil ?

Je ne l’avais pas entendue arriver. Je ramenais mon pied sur le sol, comme si j’avais été surprise en train de faire une bêtise. Je m’empourprais et bredouillais.

-Euh…je…

Finalement je renonçais à poursuivre ce début de phrase plus qu'incertain et tout en continuant de m’étirer le plus vite possible, je lui expliquais la situation. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres, même si elle cherchait à le contenir. J’avais la sensation diffuse qu’elle se moquait de moi, ce qui me rendait d’autant plus nerveuse. Heureusement, je sentais toujours la chaleur de son esprit, je n’y percevais rien de mauvais. Ce don pourrait peut-être avoir son utilité finalement, même si j’aurais donné n’importe quoi pour m’en défaire.

-Okay. No panic, Finis de te préparer. Je vais me changer et je te dépose avant d'aller au Croco'.

J’admirais son sang froid, sa capacité à trouver si rapidement une solution simple à un problème, pendant que moi, je restais glacée par la panique. Elle fila se changer et je profitais de son absence pour enfiler ma tenue de danse. Je ne pensais pas à emporter quoique ce soit d’autre.

J’aurais voulu prendre mon temps avant de franchir la porte vers le dehors. C’était comme si les murs repoussaient le brouhaha, mais je le sentais déjà gronder dans le parking. Tout se passa très vite, on monta dans sa voiture dont je me demandais si elle me conduirait à bon port, je me réfugiai dans sa tête et entamai la boite de gâteau qu’elle me tendait en essayant de ne pas trop penser. Heureusement elle pensait pour deux, compte tenu que je n’avais pas mangé grand chose non plus les jours précédents, sans ces quelques biscuits j’étais bonne pour l’hypoglycémie.

- Allez courage ! Ah, au fait … Elle attrapa un stylo et une vieille note qui trainait là.


- Tiens, mon numéro. Je risque de finir tard ce soir, et je pourrais pas venir te chercher. Mais tu pourras toujours me rejoindre au Croco en prenant le bus. Appelle si t'as un soucis, ok ?


Je saisi la feuille qu’elle me tendait comme un naufragé saisi une bouée. Je me retrouvais projetée hors de la voiture, livrée à moi-même, face à l’entrée massive du conservatoire. Je sentais Elena s’éloigner de moi, j’avais l’impression qu’on m’arrachait un morceau de cœur. Il fallait que je parvienne à la lâcher, je me rendais soudain compte, que depuis que je l'avais rencontré, nos deux êtres avaient été en quelques sortes confondus. Quand ce lien fut défait, je connaissais le pire sentiment de solitude que je n’avais jamais eu à traverser. Mais très vite, la foule grouillante de la ville vint me tenir compagnie avec ces émotions informes, elle tomba sur moi comme des litres et des litres de boue gluante. Je respirais, fit un pas puis un autre. C’était comme cela que j’allais traverser cette journée : un pas après l’autre, petit à petit.

HJ: Aucun souci, au contraire ça rend les choses plus simples. Je posterais mon prochain message au Croco, comme on a changé d'endroit.

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Elena K. Shakk
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyJeu 6 Juin - 19:09

HJ : Dac. Du coup, ce topic est fermé (j'vais pas faire un post juste pour le trajet entre le Conservatoire et le Croco). Donc soit tu t'incruste dans le post que j'ai déjà avec Chad, soit tu ouvres un nouveau sujet. Comme tu veux. Ou on peut aussi faire une conversation téléphonique avant de se retrouver au Croco'

Edit : j'avais pas vu que t'avais déjà posté. Je suis un boulet ^^


Dernière édition par Elena K. Shakk le Jeu 6 Juin - 19:14, édité 1 fois
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Chad N. Moriarty
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MessageSujet: Re: Perdue dans un monde teinté d'émotions...   Perdue dans un monde teinté d'émotions... EmptyJeu 6 Juin - 19:14

Elle a déjà ouvert au Croco...
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