Je suis né à Manhattan à New York vers la mi-juin 1986. Rien d’exceptionnel à cela, puisqu’il nait chaque jour des centaines de personnes. Mon père était procureur. Autant dire que j’ai grandis avec autant de livre de droit que de bandes dessinées, si ce n’est plus, autour de moi. Je voyais aussi plus souvent lesdits livres que mon père qui travaillait parfois jusque tard dans la nuit. Quand à ma mère, médecin urgentiste, c’était un peu le même cas. Je fus en grande partie élevé par une gouvernante. Au moins j’échappais aux cours dispensés par un précepteur. Même si je passais quand même par la case école privée et enseignement sérieux. Et sérieux dans mes études, je l’étais. Mon père était du genre à me faire réciter mes leçons avant d’aller me coucher, et gare à moi si je ne la savais pas ! J’étais donc un bon élève, souvent premier de la classe, selon les matières. Cependant, je n’étais pas le cliché du premier de la classe binoclard et sans amis. Au contraire. J’étais du genre à être à l’aise dans n’importe quelle situation. Je faisais partie de l’équipe de basket de l’école, en tant que meneur de jeu.

Au lycée, je m’investis pas mal dans la « vie lycéenne », à filer un coup de main au journal, organiser des soirées après les évènements sportifs. En gros, un vrai monsieur populaire. Et toujours bon élève, donc, s’il m’arrivait de sécher les cours de mathématiques, une fois de temps en temps, ça passait crème. Les maths et moi, ce n’était pas le grand amour. Et le prof avait un petit côté sadique… C’est aussi à peu près à cette période-là que j’ai commencé à m’intéresser aux sports motorisés. Les rallyes, les grands-prix, Nascar. Quand j’allais passer les vacances chez mon oncle en Floride, il nous amenait, avec mon cousin, voir des courses au circuit de Daytona Beach.
Avec une bande d’amis du lycée, nous avions pour coutume d’aller faire du karting les jours où nous n’avions pas cours – ou quand nous séchions les cours. Mon père ne voyait pas cela d’un bon œil, mais ce petit défi à son encontre était le seul que je m’autorisais. Ma mère ne voyait pas cela d’un bon œil, jugeant que c’était trop dangereux pour les ados immatures que nous étions. Mais on ne m’empêcha jamais d’y aller. Ces petits « runs » entre amis étaient notre défouloir, mais aussi notre passe-temps. Il nous arrivait de parier sur l’issue d’une course ou l’autre.

Puis nous eûmes tous notre permis. Et les courses prirent une autre ampleur. Il nous arrivait de nous tirer la bourre… en ville. Inutile de dire que mon père fit sauter quelques pvs. Jusqu’à ce que je manque de m’enrouler autour d’un lampadaire. Ce fut seulement à ce moment-là qu’il consentit à me laisser conduire un bolide sur piste goudronnée. Il n’avait pas envie que je lui bousille sa Mercedes. Puis, arrivé à la fac, je décidais de partir pour Miami, histoire de quitter un peu l’ombre paternelle. Et qui disait Miami disait Floride, plage et bien sûr, Daytona Beach. J’avais choisi le droit un peu par dépit – et surtout en faisant confiance à mes acquis puisque j’étais fils de procureur – mais pour être avocat, se creuser la tête pour les plaidoiries et être des « deux côtés de la balance ». Je me distinguais assez vite. Une fois mes études bouclées, je partis à Daytona Beach, mon cousin Jason m’ayant demandé de bouger mon cul jusque-là. Je débutais comme avocat commis d’office, ainsi qu’il était coutume dans le métier. La semaine, je défendais des malchanceux ou des voyous… Et le week-end, je profitais du cadeau de mes 21ans, une Mustang assez récente, montée pour la piste, dès que le circuit était ouvert aux amateurs. Je dois bien avouer que je n’étais pas trop mauvais dans le genre.

C’est lors de l’une de ces courses amateurs que j’ai rencontré Matthew Rover. J’ai toujours adoré les sensations qu’on peut ressentir lorsqu’on courre de la sorte. Les décharges d’adrénaline, la fièvre de la victoire et même la déception quand on n’est pas premier. Je venais à peine de rejoindre les paddocks et de sortir de ma voiture lorsqu’il s’était avancé vers moi. En bon diplomate, il avait vanté ma prestation avant de se présenter. Il connaissait déjà mon nom et avait entendu parler de moi. J’avais quelques réussites au barreau à mon actif. Il me proposa de but en blanc  d’être pilote dans son écurie – qui courrait autant en amateur qu’en pro, mais venant d’un magnat de l’automobile, il n’y avait rien de surprenant. Il m’offrait d’être mon sponsor et en prime de voir ma voiture entretenue par McQueen, son mécanicien. J’acceptais sans hésiter. Rover était du genre à vous mettre en confiance. Par la suite, je fraternisais assez vite avec le mécanicien, qui finit par devenir un bon ami, avec qui nous parlions de mécanique des heures durant. Entre autres.

Et puis un jour, je reçus un coup de fil. Matthew me demandait de le rejoindre à sa concession. Une fois là-bas, il me proposa une offre que je n’aurais sans doute pas vue renouveler. Être son avocat, alors que j’aurais normalement dû attendre quelques années encore avant de pouvoir prétendre à postuler pour un cabinet d’avocat un peu réputé. Je ne suis pas du genre arriviste, mais je décidais toutefois de sauter sur l’occasion… J’eus à défendre Rover plus tôt que je ne l’aurais cru. A l’époque, je me foutais bien des mutants, ce n’était pas vraiment ma première priorité. Mais ce procès-là résultait d’une confrontation virulente entre Rover et l’un d’entre eux. Après de longues heures, mon argumentation finit par l’emporter. Je n’étais pas peu fier de moi. Mais l’issue du procès, hors court, fut toute autre. En effet, je quittais le tribunal par la petite entrée, dans le but de fumer une cigarette – celle de la victoire – avant de rentrer chez moi lorsque plusieurs individus me tombèrent dessus. Je me rendis compte assez vite qu’ils étaient mutants – ou au moins l’un d’entre eux puisque l’air autour de moi paraissait s’être solidifié et que je ne pouvais presque pas respirer normalement. Il m’était déjà arrivé de me battre – et pas qu’une seule fois – mais il y a une grosse différence entre se bagarrer « loyalement » et ne pas pouvoir se défendre. Tout ça parce que j’avais fait mon travail.

Depuis ce jour-là, j’évite d’avoir à faire avec les mutants. Je ne vais jamais au O’Sullivan et très peu au Croco Deal. Je me méfie peut-être un peu trop, mais j’ai eu un aperçu suffisant des « gentils mutants qui ne demandent rien à personne ». Ça a quelque peu douché mon enthousiasme. De toute façon, ma vie est assez remplie entre mon travail et ma passion. Jason pense que je devrai moins bosser et sortir plus.

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